Wisher 1. Nigel

C ela fait 60 ans que les bandes dessinées estampilées Le Lombard se succèdent sur les présentoirs des librairies. À échelle d'une carrière professionnelle la retraite n'est pas bien loin, mais l'éditeur belge ne le voit pas de cet oeil-là. Pour fêter comme il se doit son anniversaire, il entreprend même de séduire le public adolescent avec une nouvelle collection : Portail. En s'attaquant au registre de la Fantasy, le vénérable ancien n'hésite pas à marcher sur les plates-bandes des p'tits jeunes Soleil et Delcourt. Le pari est osé, mais Wisher, première invitation à franchir le portail de l'imaginaire, ne manque pas d'atouts.

Nigel est le meilleur dénicheur d'objets d'arts de Londres, et bien qu'il ne le sache pas encore , le dernier djinn sur Terre. De fait, il représente également l'ultime espoir de survie pour le petit peuple (Gobelins, Elfes, etc.), contraint à se terrer sous terre. En effet, un puissant et maléfique groupe d'individus au look so british, guidé par des fées, ne cesse de les traquer pour découvrir leur cachette, le Sanctuaire, afin de les exterminer. Nigel, claustrophobe, parviendra-t-il à supporter l'enfermement et à maitriser ses pouvoirs suffisamment tôt pour éviter l'inévitable ?

Pour son premier album, force est d'avouer que le style de Sébastien Latour est particulièrement convaincant : un découpage dynamique, qui permet au rythme d'augmenter crescendo, et une mise en scène de qualité font de ce premier volet de la série un très bon divertissement. D'autant plus que le point de départ original de l'histoire, les petites pointes d'humour sympathiques et le charisme des différents personnages sont des points positifs non négligeables. Le scénariste n'hésite pas à jouer avec nos bonnes vieilles fables en les modernisant et prend un malin plaisir à susciter l'impatience de découvrir la suite grâce à la révélation innatendue de la dernière case de l'album.

Le trait de Giulio De Vita est particulièrement élégant. C'est d'autant plus appréciable que le casting ne manque pas de personnages plaisants à regarder, au physique de playboy ou de pin-up. Au cours de la lecture, le sentiment que le dessinateur s'amuse plus à mettre en image Wisher que sa précédente série, James Healer, s'impose. Cela s'explique sans doute par la plus grande liberté artistique que lui laisse l'univers fantastique développé par Sébastien Latour. Techniquement, il y a peu de reproches à faire au dessin, dommage alors que l'impression de l'album ait rendu la mise en couleur, que l'on présume réussie, trop sombre. Sans géner toute la lecture, ce problème technique cache les détails de certaines cases et rend les effets de lumière des sorts bien ternes. Espérons alors que le second tome restituera toute sa beauté au graphisme de De Vita.

En attendant la sortie du prochain tome, cette ouverture de qualité donne envie de se pencher plus attentivement sur les autres séries de cette collection. En tout cas, si tous les albums sont aussi prometteurs que Wisher, Le Lombard parviendra sans mal à convaincre les lecteurs, jeunes et moins jeunes, de franchir son Portail...

Moyenne des chroniqueurs
6.8