Chien rouge Chien noir
O
ù est passé Lou ? Disparu depuis trois semaines, Franck s’inquiète et commence à se poser des questions. Lorsqu'il interroge son entourage, tout le monde semble bien le connaître, mais les opinions sont contrastées, voire embrouillées.
Initialement publié en 1999 chez PMJ, une nouvelle vie est aujourd’hui offerte à Chien rouge Chien noir grâce aux éditions Carabas. Après Ne touchez à rien ou Des soldats d’honneur qui ont sans doute permis à Bézian de toucher un plus large public, c’est l’occasion de revenir sur une œuvre plus confidentielle.
La patte de l’auteur est immédiatement reconnaissable avec son graphisme si personnel, nerveux et anguleux. L’atmosphère est très intimiste pour ne pas dire étouffante, s’appuyant sur une bichromie (noir, blanc et gris-vert) donnant à l’ensemble une lumière tamisée. Les personnages eux-mêmes semblent manquer d’espace, se retrouvant dans un bar, un lit, une cage d’escalier, ou encore une ruelle sombre. Aucun plan large, juste des cadrages donnant l’impression de suivre l’action de près, une caméra sur l’épaule.
Et puis vient cette couleur rouge. Le récit est entrecoupé de cases vides avec des bords rouges, de façon totalement irrégulière, inattendue. Un moyen d’imposer un certain rythme de lecture ? Les scènes se succèdent, levant peu à peu le voile sur ce mystérieux Lou et les rapports qu’il entretient avec les différents acteurs. Et lorsque l’auteur semble enfin disposé à nous donner la clé de son énigme, ce n’est que pour mieux nous égarer. D’abord un voisin vieillard soulevant des questions sur la conscience et l’imaginaire. Ensuite une séquence tout en rouge, insaisissable, avec des cases disposées aux mêmes endroits que celles laissées vides auparavant, comme pour indiquer qu’elles avaient été retirées pour être rassemblées en fin d’album. Quelle est la signification de tout cela ? Peut-être faut-il chercher du côté de ces quelques livres aperçus sur une étagère, comme Ulysse de James Joyce. Une chose est sûre, bon nombre de lecteurs risquent de rester perplexes et désorientés.
Chien rouge Chien noir est un album en définitive assez hermétique. Pour autant, il mérite largement le détour tant Bézian est un auteur au style original ne laissant rien au hasard, avec le souci d’exploiter au maximum les possibilités qu’offre la bande dessinée.
>> Voir la chronique de Ne touchez à rien
>> Voir la chronique de Donjon Monsters 10 : des soldats d'honneur
5.7