Mémoires de Viet Kieu 1. Quitter Saïgon

A près la Seconde Guerre Mondiale commencent, au Vietnam, quarante années d'horreur et de peur. De l'invasion japonaise à la dictature communiste, en passant par l'occupation américaine et la guerre d'Indochine, ce pays aura souffert de la plupart des maux du vingtième siècle. Entre les années 70 et 80, des centaines de milliers de vietnamiens ont quitté leur pays pour se réfugier en France, fuyant leur nation à feu et à sang. Mais qui sont ces Viet Kieus, ces exilés, et qu'ont-ils vécu qui les pousse ainsi à partir en laissant tout derrière eux ? C'est ce que Clément Baloup veut nous montrer, choisissant pour cela d'illustrer trois récits, trois histoires véridiques racontées par ses proches.

Depuis Maus et La Guerre d'Alan, on connaît la force des récits à la première personne transposée, de ces histoires racontées par le père à son enfant, par le vieux fatigué au jeune passionné. Une fois de plus la recette fait mouche, tant par la subtilité du trait de Baloup que par sa manière pudique de raconter, évoquant l'horrible sans s'appesantir dessus, et laissant au lecteur le soin de se souvenir (ou d'imaginer pour les plus jeunes) de ce qui a filtré en Europe de cette période noire de l'histoire asiatique. Les trois récits courts frappent comme des coups de poing, sans se laisser aller à l'apitoiement, neutres, presque informatifs... Et c'est le dessin qui donne son ampleur à l'album, certainement pas grandiose mais juste et quotidien, parfois naïf, toujours extrêmement expressif. Le mélange de couleur et de noir et blanc qui permet de se retrouver dans la chronologie de l'oeuvre, montre aussi un souci, non pas d'oublier, mais de ne pas laisser prise au passé, de le remettre à sa place, en noir et blanc dans un livre d'Histoire(s), mais certainement pas dans le présent, lui déniant le droit de blesser les exilés.

Après Un automne à Hanoi, Clément Baloup revient avec succès sur l'histoire familiale, et offre de nouveau un album superbe, plein de sens et de vie. A lire, autant pour prendre conscience d'une réalité historique fort mal connue que pour suivre ou découvrir un jeune auteur qui, décidément, n'a pas sa plume dans sa poche.

Moyenne des chroniqueurs
6.7