Le minuscule mousquetaire 3. On ne patine pas avec l'amour

L e troisième tome du Minuscule Mousquetaire ressemble si peu aux deux précédents qu’on peut se demander s’il s’agit bien de la même série ! Certes, le héros est toujours Nicolas Savinien Restif de la Gascogne (également nommé Borgne Gauchet, voire Petrus Barbygère dans des destins parallèles), fine lame, beau parleur et mousquetaire devenu minuscule en buvant une potion amincissante. Mais c'en est fini de la Petite France, ce royaume infime aux mœurs libertines gouverné par des femmes, que le personnage parcourait avec jouissance depuis deux livres. Voici le mousquetaire en pleine mer, à bord du navire du capitaine Scorpione. Comment il est arrivé là, mystère. Et qu’allait-il faire sur cette galère ? Eh bien... courtiser la femme du capitaine, bien sûr ! S'ensuit une odyssée remplie de naufrages, duels, rencontres et séparations.

Joann Sfar est un apologue du premier jet, toujours considéré comme supérieur à toute autre inspiration. Il a depuis longtemps renoncé aux crayonnés préparatoires, accusés de fausser le trait et de corrompre la justesse et l'émotion du dessin. Mais ce qui est nouveau, depuis quelques livres, c'est le recours systématique à l'improvisation. Le dessin, le scénario, les couleurs... tout doit sortir comme ça vient. Et peu importe s’il y a des jours avec, et des jours sans. L’important, c’est d’avancer, et que tout soit le plus spontané possible.

On pourrait s'amuser à mettre en relation cette recherche quasi obsessionnelle du dessin "naturel", et les thèmes développés récemment dans La vallée des merveilles et dans On ne patine pas avec l'amour. A l'instar des philosophes du XVIIIe siècle, Joann Sfar se lance dans ces deux livres à la poursuite des bons sauvages, ces humains primitifs (donc naturels) pas encore pervertis par la société, la culture et l'Histoire.

On pourrait s'amuser... si On ne patine pas avec l’amour n'était pas une telle déception. Car rien ici n'est à la hauteur des deux précédents volumes. Le dessin est si griffonné qu'il en devient parfois difficile à lire. L'auteur, qui n'en est pourtant pas à sa première mise en couleurs directes, se livre à un bariolage malheureux, consistant le plus souvent à mettre en opposition des couleurs trop vives ou au contraire à noyer une vignette dans une teinte monochrome. Quant à l'histoire, Sfar a beau faire joujou avec les jouets des autres en empruntant leur Scorpion à Desberg et Marini, ou ajouter une pincée de réalité moqueuse dans son univers en croquant Lewis Trondheim sous les traits de Louis Le Trondabbe, prince d’Angoulême... on ne retrouve jamais l'onirisme, la poésie, l'émerveillement qui jusqu'à présent avaient fait de cette série un pendant adulte au Philémon de Fred.

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