Babel (David B.)

P our longtemps semble-t-il, le nom de David B. restera indissociable de l'Ascension du Haut Mal, cette œuvre autobiographique obsédante où l'auteur a relaté la part déterminante qu'a pris dans sa vie la maladie dont souffrait son frère aîné, à savoir, l'épilepsie. Achevé à la fin de l'année dernière, ce cycle se voit aujourd'hui magnifiquement complété par un album à la présentation inhabituelle.

C'est que Babel inaugure une ambitieuse collection née de la collaboration de Coconino Press avec Vertige Graphic. Baptisée " Ignatz ", elle rend hommage à l'œuvre de George Herriman en qui les éditeurs voient " l'inventeur de la bande dessinée poétique ". Précisément, l'univers si particulier de David B. est tout empreint de poésie. L'auteur a trouvé ici l'occasion d'exprimer dans une forme nouvelle les thèmes qui lui sont chers. Ceux-ci sont formulés sur le quatrième plat de l'album : " rêves, mythologie, souvenirs, histoires " et sont développés à travers six chapitres où l'auteur procède à une exploration par petites touches.

C'est une évocation des rêves marquants de David B. où apparaissent les figures des " ancêtres " ou du " roi du monde ". C'est un retour sur la maladie de son frère mais cette fois réalisé dans une approche plus distanciée que dans l'Ascension du haut-mal. C'est aussi l'occasion d'un exposé clair mais sans didactisme des tenants et aboutissants de la guerre du Biafra où l'auteur stigmatise tant l’impact que l'inconsistance d'un traitement télévisuel dont il fût, comme beaucoup, enfant, le témoin innocent. Enfin, en faisant par deux fois écho à Little Nemo, cette oeuvre fondatrice de Winsor McCay, David B. affiche sa volonté d'inscrire son travail dans une certaine filiation artistique.

La disparité des sujets abordés est assumée (la première page qui s'offre à nous est malicieusement intitulée " du coq à l'âne "), mais elle est tenue par la cohérence du traitement narratif et graphique. Car le bestiaire propre à David B. est rendu par un dessin précis et hiératique qui rappelle les arts primitifs comme l'art médiéval. Ces aspects sont contrebalancés par la spontanéité et le dynamisme qui animent les compositions. Répondant aux exigences du concept, le format de l'album (presque carré), et sa maquette soignée sont une invitation à une lecture originale.

Les lecteurs de David B. trouveront dans cet album un complément admirable à l'Ascension du Haut Mal. Quant aux autres, c'est pour eux la plus belle occasion de se familiariser avec l'univers de cette figure incontournable de la création actuelle.

Moyenne des chroniqueurs
8.0