La geste des Chevaliers Dragons 4. Brisken

Brisken s'impose d'emblée comme le chapitre de La Geste des Chevaliers Dragons qui se démarque des autres. À l'origine, chaque album devait être mis en image par un dessinateur différent, or Briones est de nouveau aux commandes après avoir officié sur le second tome. Les couvertures des trois premiers nous avaient également habitués à de plantureuses jeunes femmes légèrement vêtues en proies à de vilains monstres. Celle-ci représente Tora, au physique plus proche du bodybuilder que du top model, en pleurs sur un monticule d'armes.

Outre ces détails, insignifiants je vous l'accorde, le duo de scénariste Ange a également eu la brillante initiative de cesser de suivre le schéma scénaristique rébarbatif et lassant des premiers tomes. L'histoire contée dans Brisken n'est donc pas la traque d'un dragon par une ou plusieurs jeunes vierges armées, et il n'y a d'ailleurs pas l'ombre d'une queue de dragon dans l'album. La bataille de la passe de Brisken tient son origine des dizaines de milliers de créatures déformées par le Veil. En effet, devant la cuisante défaite de ses troupes, l'Empereur fait appel aux Chevaliers Dragons pour se débarasser de ces monstres. Elles seules sont en mesure de les arrêter avant qu'ils n'atteignent la Capitale. S'en suit alors une bataille qui restera dans les mémoires pour bien des raisons, malheureusement pas uniquement pour l'héroisme dont ont fait preuve des centaines de jeunes femmes...

Alors que les précédents tomes nous présentaient les Chevaliers Dragons comme des personnes très sûres d'elles, voire arrogantes, Brisken nous montre à quel point elles peuvent également faire preuve d'humanité et de compassion. La situation politique tumultueuse qui agite l'Empire ne cesse de les affaiblir et le surnombre des monstres a tôt fait de réduire leurs effectifs. Ces pertes humaines donnent lieu à des séquences émouvantes, notamment lorsque dans un élan de détresse les Chevaliers se mettent à entonner des chants de guerre oubliés, ou bien lorsque des jeunes femmes au bord de la mort sont intronisées Chevaliers Dragons. On pourrait facilement reprocher aux scénaristes de ne pas développer les aspects politiques de l'histoire, pourtant, construit de cette manière, le récit conserve intacte sa charge émotionnelle et apparaît comme le plus réussi de la série, ou tout du moins le plus poignant.

Si Briones avait adopté un style graphique proche de celui de Varanda pour réaliser Akanah, il trouve cette fois-ci un style plus proche du comics, à l'instar de ce qu'il avait fait pour Kookaburra Universe #4. S'il est plutôt habile de ses doigts pour illustrer des batailles et les doter d'un dynamisme certain grâce à un découpage incisif, presque audacieux, il n'en est pas de même lorsqu'il s'agit des visages. En effet, les lèvres semblent sur-siliconées, les nez particulièrement énormes et les cheveux manquent de volume. Cela est d'autant plus regrettable que les corps de ces demoiselles ne souffrent d'aucun défaut. La mise en couleurs de Stéphane Paitreau est, quant à elle, fidèle à ses précédents travaux.

En somme, l'un des meilleurs scénarios du duo Ange est malheureusement quelque peu desservi par un dessin trop caricatural. Toujours est-il que La Geste des Chevaliers Dragons prend un virage scénaristique intéressant qui évite de lasser le lecteur de plus en plus exigeant. À charge d'Ange, Paty & Paitreau de poursuivre dans cette voie de diversité avec le cinquième tome à paraître, Les Jardins du Palais.

Moyenne des chroniqueurs
6.0