Les petits ruisseaux

D ans le fin fond de la province française, Emile, un petit vieux, se la coule douce. Il pêche, il cuisine, il boit des petits canons au bistrot du coin, mais il est veuf donc seul. Il s’entend tout de même très bien avec Edmond, il pensait bien le connaître, mais chacun a ses petits jardins secrets. Ceux d’Edmond sont la peinture (et plus particulièrement les nues), et surtout les rencontres grâce à une agence, et oui à tout âge on cherche la compagnie. Emile se retrouve perturbé par ces possibilités, la mort brutal de son ami le fait encore plus réfléchir. Et si la vie n’était tout simplement pas encore finie ? En voulant retrouver les lieux de son enfance, Emile répondra à cette question.

Pascal Rabaté s’attaque à un thème rarement abordé en bande dessinée, celui de la vieillesse. Il crée pour cela le personnage d’Emile qui tient à bout de bras cet album. Si l’on croit en Emile, toute la lecture coule de source et accentue les émotions ressenties. Comme l’auteur parvient à ne faire qu’un entre le héros et le lecteur, l’identification reste très forte, et ceci est toujours un exploit.

Le ton a aussi une grande importance. Pascal Rabaté place son intrigue dans la campagne, il la décrit avec un certain amour. Il s’en moque un peu en plaçant des personnages de comptoir assez marquants. Mais il la décrit aussi comme un lieu où les jeunes et les vieux y vivent en fin de compte dans une harmonie. Mais le fond de l’histoire c’est vivre sa vieillesse, le troisième âge n’est pas là pour simplement attendre la mort. L’auteur montre par Emile, que les expériences sont toujours possibles. La nostalgie est là, le passé est là, mais il reste un avenir. On trouve un optimisme tout au long de l’album très communicatif.

Graphiquement, Pascal Rabaté choisit la légèreté. Plus habitué à des récits très sombres où son noir et blanc domine la planche, ici il allège son trait et laisse de l’espace pour la couleur ; mise en couleurs toute douce, quasi «secondaire», qui a pour but d’accentuer le ton léger, voir mélancolique de l’histoire. Ce qui donne un contraste plus important avec les planches très hachurées (planches d’une grande beauté).

Pascal Rabaté a écrit un album doux, tendre, drôle, intelligent, beau, sensible, sans jamais tomber dans les lieux communs, en somme une belle réussite. Il a créé Emile qui restera un des personnages les plus attachants de cette année 2006. Si vieillir c’est avoir un peu d’Emile en soit, alors vive le troisième âge !


Chronique sur un autre album de Pascal Rabaté : Ibicus