Insomnia 1. Insomnia

U n homme parcourt les routes des Etats-Unis, vers le Mexique. Tout pour s'éloigner de New-York, où il est recherché par des personnes qui ne lui veulent pas que du bien. Un groupe de squelettes joue au poker, et se remémore de bonnes vieilles histoires d'amour tragiques. Des forçats parlent de leurs meilleurs souvenirs, dans leur "vie d'avant". Un orchestre mexicain chante des rengaines en s'accompagnant au banjo.

Ces divers éléments s'imbriquent dans le dernier album de Matt Broersma, Insomnia, jusqu'à créer une introduction, un fond sur lequel se déroulera une histoire. Mais quelle histoire ? Ce tome 1 ne le dit pas. Il laisse au lecteur le soin de faire marcher son imagination, pour trouver quel personnage il va suivre, quelle histoire va se dérouler. Peut-être un mélange de toutes, peut-être aucune de celles-ci. En commençant ainsi in media res, Broersma prend le risque de semer la confusion, et surtout l'incompréhension. Car on peut légitimement se demander ce que veut dire cet album curieux, vite lu, dont on ne sait pas bien si on ne l'a pas compris ou s'il n'y avait rien à comprendre. Loin de l'absurde, proche du roman de gare pour le style de l'intrigue, on pourrait y retrouver quelques références à Kérouac au travers de cette route qui fait oublier, qui prend toute la case, qui ne commence ni ne s'arrête. Ce serait probablement réducteur, car c'est loin d'être le seul élément de l'album. Retrouve-t-on aussi les dieux qui jouent la vie des humains aux cartes ? Le pion qui se déplace au hasard ? Les prisonniers comme rappel de l'inestimable beauté de la liberté, ou de la petitesse dérisoire des souvenirs... Tout peut être symbole dans Insomnia. Mais, au final, qu'est ce qui l'est ?

Le graphisme est intéressant, les personnages carrés même s'ils véhiculent peu d'émotion servent l'histoire, dans sa netteté et sa froideur. Mais le dessin ne soulève à aucun moment réellement l'enthousiasme. Il est véhicule, il porte l'histoire sans en être une à lui tout seul. On pourrait presque parler d'illustration, parfois. On imagine pourtant difficilement l'histoire avec un autre type de dessin, il parait lui aussi dans l'attente de ce qui va se passer. Ni chaud, ni froid, ni expressif, ni totalement neutre.

On l'aura compris, Insomnia est un album qui surprend, à l'opposée de ce que l'on a l'habitude de lire en franco-belge. Mais peut-être part-il trop dans l'abstrait pour le lecteur lambda. A réserver probablement aux passionnés, en tout cas aux plus motivés.

Moyenne des chroniqueurs
4.7