Petit Polio Les années 1958/1959
C
ontinuant sur sa lancée, Futuropolis a décidé, une fois n’est pas coutume, de rééditer en un seul livre les deux tomes de Petit Polio initialement parus chez Soleil. En choisissant ce petit format cartonné et au papier de qualité, l'éditeur rend ainsi hommage à Farid Boudjellal et à ses superbes aquarelles.
Petit Polio, c'est Mahmoud, toulonnais de 6 ans d’origine algérienne surnommé ainsi parce qu'il a attrapé la maladie tout petit. En ce mois de juillet 1958, il passe ses vacances sur la plage en compagnie des ses sœurs et de sa mère, alors qu'au pays la guerre fait rage. Son seul réel souci étant de savoir comment il va se procurer le nouveau « Kiwi », il mène une vie paisible, loin des tracas des adultes et des heures troubles du conflit.
Mettre en scène la situation délicate des Algériens vivant en France dans les années 50 n’était pas une tâche commode. Plutôt que de le faire de manière sombre, Boudjellal a préféré utiliser le regard du jeune Mahmoud, pour qui la guerre d’Algérie est tout sauf une préoccupation. Doté d’un bon coup de crayon, le môme en profite même pour croquer le Général lors de sa visite à Toulon. La vie s’écoule donc lentement et sans souci jusqu’au jour où il assiste au passage à tabac d’un Arabe qui avait pris le trolley sans ticket. Lentement le gamin se rend compte de sa situation et réagit violemment. Ces faits divers sont toujours traités avec justesse et sensibilité par l’auteur, aidé dans cette tâche par un dessin splendide et des couleurs douces. De même lorsqu’on assiste au comportement exacerbé d’un jeune soldat français revenant du front, Boudjellal sait utiliser les mots justes pour ne pas verser dans le mélo, et conserver la dimension humaine de la situation.
Malgré la gravité du sujet, Petit Polio constitue un savoureux moment de lecture, à l’humour léger et aux répliques percutantes. Le tout est accommodé d’un vocabulaire typique, heureusement traduit d’amusante façon par l’auteur dans un lexique en fin d’album, et servi par un dessin dépouillé mais touchant. Enchanté par cette excellente initiative de Futoropolis, on en redemande.
7.3