Abdallahi 1. Dans l'intimité des terres
M
oins connu que David Livingstone, René Caillié (né en 1799 et non en 1800 comme indiqué en préface du livre...) fut lui aussi un explorateur occidental de l'Afrique, le premier homme blanc à pénétrer dans la ville sainte de Tombouctou en 1828, interdite aux infidèles. C'est son histoire que deux amoureux de l'Afrique, Christophe Dabitch et Jean-Denis Pendanx ont choisi de raconter en bande dessinée, dans une adaptation romancée.
Malgré l'absence de soutien de l'administration française, guidé par l'obsession de faire reculer les limites des "terres inconnues" sur les cartes, Caillié eut l'idée de se faire passer pour un Musulman pour gagner la confiance des Africains. Il apprit donc l'arabe, étudia le Coran et s'inventa un passé romanesque d'enfant égyptien enlevé par les Blancs et cherchant à retrouver la voie de l'Islam. C'est ainsi que, pour les besoins de la cause géographique, il accomplit un pèlerinage de 4500 kilomètres à pied, prenant pour nouveau nom Abdallahi : "le serviteur de Dieu".
Il n'est certainement pas simple, à notre époque marquée par les hypersensibilités religieuses, de raconter l'histoire d'un faux dévot, sans que cela puisse être considéré comme de la provocation. Abdallahi n'est pas Tartuffe, il n'y a pas de mauvaise intention dans sa démarche. Il n'est pas non plus un hypocrite, il ressent au contraire du respect et même de l'admiration pour les peuples qu'il croise. Dans son goût pour l'aventure, il y a d'abord le besoin de fuir la vie trop tranquille de ses compatriotes. Mais évidement, sa quête sera aussi l'apprentissage que les clichés sont trompeurs : l'herbe n'est pas forcément plus verte dans le champ du voisin, et les prédateurs les plus terribles de l'Afrique ne sont pas nécessairement les grands fauves de la savane.
Tout cela s'exprime avec justesse dans les émotions, jamais dans la démesure ni l'exagération, ce qui n'empêche pas un certain lyrisme. Ni, surtout, une formidable générosité graphique : l'album est peint avec des couleurs directes éclatantes de lumière et de chaleur, sans aucun trait de contour, dans un style flamboyant à mi-chemin entre la peinture orientale et l'impressionnisme. Un livre à explorer !
>> biographie de René Caillié
8.3