Le dessinateur, la Colline et le Cosmos

« Relâchez cette colline tout de suite ! J'ai un insecte xylophage ici ! »
Non, ce n'est pas un exercice oulipien de Raymond Queneau. Cette réplique n'est pas non plus générée aléatoirement par un outil informatique. On la trouve en page 62 du premier livre de Jérôme Anfré, Le dessinateur, la colline et le cosmos. Dans le contexte, elle n'est pas si saugrenue qu'il y paraît. Mais revenons un peu en arrière...

Dans les ateliers de la Création Universelle, un dessinateur spécialisé dans la conception d'animaux a l'outrecuidance de dessiner les bestioles qui peuplent ses rêves. Sa dernière créature est une bête colossale qui arbore une corne en lieu et place du nez. Une honte sur pattes, selon le contremaître ès animaux. Pour punir son subordonné, il lui confisque sa main droite, l'abandonne sournoisement sur Terre et lui confie la simple responsabilité d'un troupeau de pelouse...

La pelouse étant bien gardée, on ne suspectera personne de l'avoir fumée. Il n'empêche, Jérôme Anfré livre ici une histoire hallucinée... Songez qu'on y croise une colline vivante, une équipe de mercenaires végétaux, un crapaud cosmique capable de marcher sur les étoiles, différents démiurges aussi joueurs que cyniques et une farandole d'autres personnages rivalisant d'originalité et d'absurde.

Folie douce et humour surréaliste font bon ménage avec les interrogations existentielles du dessinateur. Désormais incapable de s'exprimer en dessins, le personnage est littéralement torturé par son imagination. Voilà qui fait sens : certains auteurs persécutés par leur urgence à raconter et à dessiner ne déclarent-ils pas souffrir quand il sont tenus trop longtemps éloignés de leur table à dessin ?

Cette première œuvre est assez plaisante, y compris dans ses imperfections : dans un univers très onirique, la spontanéité et l'expressivité d'un dessin sont finalement plus importantes que son exactitude académique.

Moyenne des chroniqueurs
4.3