Le loup en slip 9. Les lopins du lapin
D
ans la forêt, quelle que soit la saison, se la couler douce est la règle. Lorsque Maître de Garenne, notaire de son état, débarque, la quiétude généralisée s'en trouve ébranlée. Le lapin fait le tour des habitants pour leur délivrer (contre rémunération, évidemment) un titre de propriété. Un simple papier, rigoureusement tamponné, qui établit en bonne et due forme les limites des parcelles de chacun·e. Le Loup en slip est bien embêté, car le voilà qui ne peut même plus se rendre au marché sans empiéter sur le lopin de ses voisins ! Mais les choses prennent une tournure encore plus problématique lorsque l'écureuil Robert décide d'acquérir tous les arbres et de monnayer l'air qu'ils produisent.
Rendez-vous désormais régulier à l'automne (seule l'année 2024 n'ayant pas eu son opus), le Loup en slip revient pour une neuvième représentation (chaque tome étant une pièce du théâtre de Sophie, personnage des Vieux fourneaux). Le cocktail reste invariablement le même : des planches colorées et foisonnantes de détails, une joyeuse galerie de personnages, de l'humour à chaque coin de page et un sujet de société abordé en creux de l'histoire. Après le partage des richesses (Le loup en slip se les gèle méchamment), la surconsommation (Le loup en slip dans cache-noisettes), ou encore le rigorisme de la langue (Le Lou en slip et le mystère du P silencieux), Wilfrid Lupano se penche cette fois sur la question de la propriété privée. Le concept est évidemment inconnu des vers de terre, oiseaux et autres ratons qui peuplent le bois. Mais il séduit rapidement les esprits… avant de prendre une tournure démesurée. Les questions pointent rapidement le bout de leur nez. Toute chose peut-elle être privatisée ? N'y a-t-il pas des biens communs qui ne doivent appartenir à personne… et donc à tout le monde ?
Pour les adultes, le sous-texte est évident. Cela va moins de soi pour le jeune lectorat. Et c'est bien là tout l'intérêt de cette série. Happés par les décors soigneusement travaillés par Mayana Itoïz – débusquant chaque petit gag dans les planches – et embarqués dans une aventure comique, les bédéphiles en herbe sont confrontés, sans même s'en rendre compte, à des thématiques bien plus consistantes. Les auteurs plantent ainsi les graines de réflexions plus profondes qui mûriront à leur rythme dans l'esprit des enfants (à qui est principalement destiné l'album). Ils offrent aussi une belle occasion d'ouvrir des discussions, notamment dans le cadre d'une lecture accompagnée.
Critique suffisamment franche et subtile à la fois de l'un des fondements du capitalisme, Les lopins du lapin est un nouveau tome réussi !
7.0


