Hiver nucléaire Hiver Nucléaire

C ela fait une décennie que la centrale nucléaire de Gentilly-3 est partie en torche et a généreusement arrosé de radiations l’île de Montréal. Depuis, la ville est aussi frappée par un hiver sans fin. Ceux qui en avaient les moyens sont partis, mais beaucoup d’autres ont été obligés de rester et de subir les conséquences mortelles de l’accident et un froid toujours plus mordant. Flavie est une de ceux-là. Ex-universitaire forcée d’arrêter ses études à cause de la catastrophe, elle survit en étant livreuse, à Ski-doo©, puisque les accumulations de neige sont devenues dantesques. D’ailleurs, des quartiers entiers de la cité ne sont plus accessibles. Sans oublier qu’une faune mutante hante désormais les rues...

Parus entre 2014 et 2018 au Québec, les trois tomes d’Hiver nucléaire avaient mis Cab sur la carte des autrices à suivre. Récits post-apocalyptiques mêlant parodie, humour et comédie de situation, les histoires réunies dans cette intégrale mettent de l’avant une héroïne pétillante en prise tant avec des éléments déchaînés qu'avec ses propres doutes intérieurs (et ses sentiments contrastés pour le beau Marco). Ce survival light est également alimenté par l’incurie de la voirie montréalaise et la liste sans fin des irritants de l’administration municipale. Le lecteur européen ne percevra certainement pas toutes les raisons à l’origine des exaspérations des personnages. Heureusement, celles-ci sont sûrement très similaires à celles qu’il rencontre dans sa ville respective.

Les gags fonctionnent, la distribution est bien pensée et parfaitement animée, c’est l’essentiel.

D’autant plus que ce petit monde d’après imaginé par la scénariste s’avère particulièrement bien conçu. Toutes les pièces s’emboîtent, se complètent et se répondent au fil de la narration. Même si certaines sous-intrigues s’avèrent un peu légères, l’ensemble forme un tout plaisant, doté d’une logique interne totalement cohérente. Visuellement, le résultat n’est pas moins efficace. Trait direct, style semi-réaliste plein de ressenti, la dessinatrice, alors encore en rodage, démontre un véritable talent de conteuse et une maîtrise certaine du langage BD.

100 % fun et rigolo, Hiver nucléaire ne se prive également pas de titiller la société là où et quand il le faut (rapports de classe, solitude, place de la femme, etc.). Une jolie découverte à la frontière des genres, fièrement estampillée «Produit du Québec» (quels dialogues !).

Moyenne des chroniqueurs
6.0