L'enfance des chefs

«D’où vient votre passion pour votre métier ?» et «Comment s’est passée votre enfance ?» Ce sont peut-être les deux questions les plus fréquemment posées par des journalistes lors d’entretiens avec des professionnels reconnus dans leur milieu. De l’émotion due à quelques réminiscences familiales, un peu de psychologie de bazar et, c’est devenu la norme, deux-trois sagesses dans le vent (respect des traditions, de l’environnement, etc.), les réponses coulent facilement et sont souvent sans grande surprise, en dépit de leur sincérité. Les propos qui suivent abordent invariablement le cheminement de la personne et finissent par former un portrait complet. S’il y a des anecdotes étonnantes, voire des épreuves éprouvantes, c’est encore mieux. L’article ou l’essai n’en sera que plus riche et révélateur.

Sujet à la mode, la cuisine et ses artisans ont donné ces dernières années un nombre d’albums impressionnant, abordant la bonne chère sous tous ses angles et toutes les cuissons. Marilyne Letertre et Franckie Alarcon (L’art du sushi) s’en sont tenus aux deux premières interrogations pour nourrir L’enfance des chefs, ouvrage où ils passent au grill une brochette de stars établies (Pierre Hermé, Thierry Marx, Anne-Sophie Pic, etc.), ainsi que plusieurs nouveaux noms en train de le devenir (Christopher Coutanceau, Manon Fleury, Mory Sacko, etc.). En prime, à la fin de chaque chapitre, le lecteur a droit à une recette pour s’essayer à l'Art.

Que révèle ce plateau de cuisiniers AOC affinés à point ? En gros, rien n’est gratuit dans ce bas monde et l’excellence est le fruit d’un travail acharné et de la multiplication des expériences, aussi bien dans des écoles qu’en intégrant des brigades réputées le temps d’un stage. Être curieux, assoiffé de découvertes et amoureux du partage s’avèrent également être des conditions indispensables à la réussite. Pour la majorité des cas, mais pas toujours, ces traits de personnalités et ces envies prennent racines dès le plus jeune âge, auprès d’un aïeul ou d’une communauté. Ils sont le fruit d’un savoir commun à protéger, à comprendre et à adapter le cas échéant, pour, à son tour, pouvoir le transmettre à une nouvelle génération.

En résumé, en gastronomie, il faut impérativement aimer les produits et les gens, les respecter et aborder son métier comme une mission quasi-sacrée. La recette est à la fois simple et d’une exigence de tous les instants. Joliment illustré, avec ce qu’il faut espièglerie dans le trait, L’enfance des chefs se déguste avec plaisir (gourmand), même si, au final, cette série de témoignages se limitent à enfoncer des portes déjà largement ouvertes par une littérature et une présence médiatique plus qu’abondante. Bon appétit !

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