Nos pères, nos frères, nos amis Dans la tête des hommes violents
M
athieu Palain, reconnaissant ne pas être spécialiste des pensées féministes, entreprend un travail d’écoute et d’introspection à travers les récits des femmes de son entourage – mère, sœurs, partenaire. Ces interrogations l'amènent à assister à un groupe de parole d’hommes condamnés pour violences conjugales au sein du service pénitentiaire d’insertion et de probation du Rhône.
Nos Pères, nos frères, nos amis s’inscrit dans la continuité du podcast du journaliste, Des hommes violents et adapte en bande dessinée son essai paru aux Arènes en 2023 (qui relève plus de la vulgarisation que de la théorisation). Le projet ambitionne de comprendre les mécanismes de la brutalité masculine, celle des mecs ordinaires, pour mieux examiner la responsabilité collective.
Cependant, la transposition graphique peine à trouver son équilibre. Le scénario reste ancré dans une écriture journalistique, limitant la dynamique narrative. Le découpage manque de rythme, et le dessin de Valentin Maréchal ne rend pas la lecture particulièrement plus fluide. Le choix de ne pas représenter l'agressivité frontalement, préférant la suggestion, aboutit paradoxalement à un effacement de l’émotion.
L’ouvrage conserve la valeur de son questionnement initial : reconnaître ses limites, étudier son comportement, rappeler que l’engagement féministe se mesure aux actes. Pourtant, la parution de Notre affaire en août 2025, co-dirigée par Mathieu Palain, vient troubler la cohérence de cette démarche. Ouvrage collectif consacré à la même thématique, il interroge la pertinence d’avoir convié des contributeurs masculins non spécialistes du sujet. Plus encore, lorsque l’ex-compagne d’un des dessinateurs a révélé les agressions dont elle avait été l’objet, le scénariste s’est approprié la sémantique habituelle des agresseurs dans sa réaction publique. Il y a lieu, dès lors, de s’interroger quant à la portée des leçons tirées de son propre travail.
5.0
