Tsar Bomba - Les paradoxes d'Andreï Sakharov

« Tsar Bomba était trois mille huit cents fois plus puissante que la bombe Little boy qui rasa la ville de Hiroshima… L’onde de choc fit trois fois le tour de la planète. »

En 1945, quand les États-Unis larguent leurs bombes sur Hiroshima et Nagasaki, le monde est terrifié. Staline ne cache pas sa jalousie et mobilise les moyens nécessaires pour doter son pays d’une arme de destruction massive. C’est dans ce contexte que le physicien Andreï Sakharov est recruté par un programme de recherche sur le nucléaire. Souhaitant mettre cette énergie au service du bien, il réalise que le but de l’entreprise est tout autre.

Fabien Grolleau a visiblement fait ses devoirs pour raconter la vie du héros, vue à travers le prisme de la guerre froide et de la course aux armements. Alors que la biographie se montre d’un format somme toute classique, l’écrivain a su capter l’essence du futur prix Nobel de la paix. Par petites touches, il expose la transformation de l’homme. Au premier abord aveuglé par sa soif de connaissance et par le statut social dont il jouit, il ouvre doucement ses horizons pour prendre la pleine mesure de la finalité des travaux auxquels il collabore. Bien que le livre ne soit pas un pamphlet écologiste ou antimilitariste, le lecteur lit entre les lignes le point de vue de l’auteur.

L’ouvrage, dans l’ensemble posé et réaliste, accueille trois micro-récits dépeignant les cauchemars du chercheur. Le ton se veut alors complètement différent. Ces escapades oniriques révèlent les tourments d’un scientifique déchiré entre sa volonté de comprendre et les risques pris par les apprentis sorciers. Cet audacieux recours à la fiction explique le passage du laboratoire à la dissidence.

Fils de la ligne claire, Cyril Élophe propose un dessin épuré évoquant par moments l’esthétique des affiches de propagande du Parti. Une austérité qui exprime avec éloquence le climat de terreur sévissant dans le pays. Les personnages, traités avec sobriété, rappellent jusqu’à un certain point ceux de Seth. Le jeu des acteurs se voulant austère, c’est avec subtilité que l’illustrateur anime ses comédiens : traits tirés, regard fuyant ou posture témoignant de leur accablement. La palette chromatique est à l’avenant ; elle apparaît essentiellement composée de tonalités terres, auquel s'ajoutent des rouges mettant en relief les explosions et autres éléments de violence.

Au début des années 1990, le monde a poussé un grand soupir de soulagement quand l’empire soviétique s’est écroulé. La nature ayant horreur du vide, à peine dix ans plus tard un nouvel empereur s’est imposé. Pas de chance, il aime beaucoup menacer le monde avec les joujoux nucléaires qu’Andreï Sakharov lui a bricolés.

Moyenne des chroniqueurs
7.0