Le rêve du Tchernobog

R ussie, 1921. Amis d’enfance, Nikita et Yuri se sont perdus de vue depuis belle lurette. Alors que la guerre civile fait rage, le premier, devenu chef bolchévique, demande au second, anarchiste et idéaliste, de supprimer la jeune Nadya, dernière héritière des tsars. Cet attentat pourrait mettre un terme aux hostilités qui déchirent le pays. Bien que capricieuse et insupportable, la fillette gagne le cœur du révolutionnaire, lequel s’était pourtant juré de ne s’attacher à personne. Le duo s’enfuit, poursuivi par Baba Yaga, le Golem et le Tchernobog, une divinité des ténèbres.

La révolution des damnés, publié par Hachette en 2021, constitue la première moitié du Rêve du Tchernobog.

L'album, signé Melody, raconte l’épopée du tandem. Affrontant hommes et créatures mythiques, la chipie et son héros grandissent dans les épreuves. Chacun expose ses vulnérabilités, mais également son courage. En cela, le récit a des allures de rite initiatique, tant pour le trentenaire que pour sa protégée âgée de huit ans. Cette dernière, élevée dans la ouate, apprend à se salir les mains et à se compromettre lorsque Yuri a besoin d’aide. Bref, la mégère et le gaillard au cœur asséché s’apprivoisent mutuellement. Bien que la trame ne soit pas tout à fait nouvelle, la scénariste l’aborde avec originalité.

L'histoire présente un troisième personnage : le cheval Platon. L’émule de Jolly Jumper sait lire les situations et prendre les devants lorsqu’il doit porter secours de son maître. Il arrive même que la courageuse bête vole la vedette aux bipèdes.

L’album se divise en deux parties de tailles sensiblement égales. Dans la première, les couleurs, très sombres, sont posées sur des cadres et des gouttières noirs. Il n’y a pas photo, le ton est grave. La deuxième portion du livre se révèle beaucoup plus lumineuse. Reposant sur un fond blanc, les illustrations insufflent une note d’espoir, même si les événements demeurent intrinsèquement toujours aussi dramatiques.

Le choix du dessin naïf (d’influence manga) pour illustrer un tel propos surprend, mais peu à peu le lecteur se fait aux grands yeux et aux animaux semblables à des peluches.

Un projet étonnant, qui se nourrit autant de faits historiques que de mythologie, le tout assaisonné d’un soupçon de fantastique. L’ensemble se tient et les trois-cent-trente-six planches se lisent avec plaisir.

Moyenne des chroniqueurs
7.0