La nuit sera longue
Q
ui, de ce côté-ci des Alpes, connaît Ilaria Salis ? Personne ou presque, alors que chez nos voisins italiens, son arrestation et surtout la mise en scène de son procès en Hongrie ont révélé des collusions inacceptables dans un État de droit…
Les engagements et les orientations politiques de Zerocalcare ne sont un secret pour personne et influencent grandement sa production dessinée. Dans La nuit sera longue, il persiste et signe, en s’intéressant cette fois à l'incarcération arbitraire d'une coreligionnaire, et à l'attitude à tenir face à l'extrême-droite et ses résurgences fascistes. Sous couvert d’humour, le propos est grave et interroge. Pourquoi les groupuscules néo-nazis fleurissent-ils à travers l’Europe ? Pourquoi cette relative impunité dans nombre de pays de l'Union européenne ? Que faire face à cela sans tomber dans le piège de l’ultraviolence ou de l’indifférence coupable ? Les minutes zérocalcariennes du procès de Budapest, viennent nourrir les quatre-vingt-seize planches d’une réflexion certes militante, mais honnête intellectuellement... Dans ce que d'aucuns pourraient qualifier de "roman graphique", l’important n'est pas le dessin qui, s'il permet encore une fois à l’auteur italien de faire passer un message avec sincérité et implication, n'est rien au regard des conséquences de la dérive totalitaire d’un État comme la Hongrie ou des exactions populistes d'Est ou d'Ouest !
Signe des temps, ou timide soubresaut, la France vient de refuser l’extradition vers la Hongrie du militant antifasciste albanais Rexhino Abazaj, alias « Gino », invoquant « des risques » de « traitement inhumain » en prison et l’incertitude de lui garantir un procès équitable. Elle relève également, en s’appuyant sur les rapports de la Commission et du Parlement européens, « un contexte de défaillance systémique » du système judiciaire hongrois, en particulier en matière de désignation des juges et d’indépendance du parquet. Tout est dit, mais cela ne semble rien changer au pays des Magyars.
7.0
