L'or du spectre
Ça a déconné. C'est un fait. Mais pourquoi ça a déconné ? Non, mais c'est vrai, ce plan, il était aux petits oignons ! Ma partenaire Kate et moi, Chuck, devions récupérer à Dry Seek - un trou paumé désertique - ce bon gros sac de pognon gagné de manière disons, pas très honnête. De là, à nous la belle vie de richards ! Bien évidemment, il faut toujours que quelque chose enraye la mécanique des rêves… Non seulement j'ai passé cinq années au trou à attendre ma libération mais en plus, arrivés sur place, il faut qu'un vieux fou nous embrouille la tête avec ses histoires délirantes. Bon, ok, j'ai peut-être aussi parlé à un pote de taule de mon pactole. Quand la vie vous joue des sales tours, c'est humain de discuter ! Sauf que, maintenant, trop de monde veut mon bas de laine et j'ai les nerfs en pelote car, quand il y a de la monnaie sur le tapis, en qui avoir confiance ?
Matz et Philippe Xavier : un duo d'auteurs détonants qui a déjà dégainé de concert sur la série Tango et le récent Le serpent et le coyote. Même époque que ce dernier (1970), mais avec de nouveaux personnages et sur un ton différent : un polar tendu en diable. Au casting, un loser sympathique (ou pas), une beauté fatale - littéralement - et très bad ass, un vieillard dont la mémoire s'est perdue dans les limbes et quelques voyous assoiffés de dollars. La narration est parfaite, dosée savamment entre action, explicatifs et contemplation car oui, il y a de très belles planches de décors notamment. Un peu d'humour aussi dans les dialogues ou plutôt, de l'ironie car le héros, petit minable plein de bonnes intentions, se fait avoir dans les grandes largeurs. De la tragédie évidemment, car ce sont les ingrédients d'un bon récit noir de chez noir (amour, violence et argent). Alors, rien de nouveau finalement ? Gardez cependant à l'esprit que classique ne veut pas dire banal tant le scénario est hyper efficace. Les rebondissements s'enchainent impeccablement et le suspense (distillé à coup de flashbacks) emmène un lecteur ravi d'être propulsé jusqu'au bout de cet enfer doré. Il ne faut surtout pas oublier le très beau graphisme, avec un trait réaliste, fin et détaillé qui fait merveille. Associé au découpage cinématographique, l'immersion est immédiate. Philippe Xavier confie qu'il s'est inspiré de Giraud pour ses planches.
« Tout le monde trahit tout le monde », ce sont les artistes qui le disent. Ils ont fabriqué avec L'or du spectre un excellent puzzle dont l'image se précise au fur et à mesure afin de faire durer le plaisir.
6.5
