Le serpent majuscule Le Serpent majuscule
S
eptembre 1985, à l'aube. Une femme âgée attend patiemment dans sa voiture. Elle est garée sur un passage pour piéton ; ça dérange qui ? Elle n'en a pas pour longtemps. Celui qu'elle guette revient d'avoir promené son chien. D'allure élégante, elle inspire confiance. Et puis avec son dalmatien Ludo qu'elle emmène partout, mignon en diable… Quand l'homme ouvre sa porte, ce n'est pas un sourire qui le fait chanceler mais le rire silencieux et carnassier d'un gros calibre qui lui explose les parties et le crane. Voilà un contrat bien exécuté, bien qu'un peu sale quand même. Faut mettre un peu de fantaisie parfois !
Pierre Lemaitre est un romancier qui a le vent en poupe depuis un moment et les adaptations de ses romans sont nombreuses. Ici, Serpent majuscule s'attache à présenter plusieurs personnages différents pour se resserrer la focale progressivement sur Mathilde… Et un outsider sur lequel le lecteur n'aurait pas misé un sou. Et c'est tout l'art de l'artiste qui se déploie dans cet ouvrage. Il aime ses acteurs, les fait vivre dans leur quotidien, invite à partager leurs problèmes et les rend attachants. Néanmoins, il n'hésite pas à les malmener, les montrer sous leurs cotés plus sombres ou même à les faire disparaître ! Car oui, une vieille dame, un gentil inspecteur et son père atteint d'Alzheimer, un commissaire guilleret, une jeune délinquante repentie et son enfant ; tous ont un rôle à jouer, mais à quel prix ? ?Le récit est violent, froid et implacable. La narration se révèle parfaite dans la gestion du suspense, ses dialogues aux petits oignons et un rythme qui accélère jusqu'au dénouement inattendu.
Dominique Monféry appore une véritable plus-value au scénario. Son style semi caricatural et lâché fait merveille dans les expressions faciales, ainsi que dans les décors travaillés sans détails superflus. La colorisation à l'aquarelle habille de tons passés les illustrations, sublimées par le grand format du livre. Le découpage se la joue classique, sauf pour les scènes d'action où il se déstructure pour figurer le chaos et la déroute. Il utilise également de belle manière les différents plans de vue pour une lecture cinématographique fluide.
Le duo d'auteurs présente un polar d'apparence classique qui surprend par son efficacité redoutable, son intrigue qui va loin dans la noirceur et un superbe dessin.
6.5
