Le tueur - Affaires d'état 6. Rigor mortis

« Mais penser que personne, jamais, ne mérite la mort, ou que personne n’a jamais envie de tuer, à tort ou à raison, c’est une naïveté que la réalité contredit quotidiennement. »
Le plus cynique des meurtriers poursuit son œuvre. Auparavant travailleur autonome, il a été recruté par les services secrets français. Devenu fonctionnaire, il continue de faire le même boulot, toujours avec application. Sauf que cette fois, son destin croise celui d’une fillette qu’il prend sous son aile. Il est cependant connu que s’attacher, c’est se rendre vulnérable. Le chasseur devient alors la proie.

Après treize albums du Tueur et six du Tueur – Affaires d’État, force est d'admettre que la recette demeure sensiblement la même. Le misanthrope monologue en déversant son fiel sur le monde. Paranoïaque, il se méfie de tout un chacun, c’est d’ailleurs ce qui lui permet de rester en vie. Et il fait ce pour quoi il est payé, sans poser de questions. Bref, rien de nouveau à se mettre sous la dent. Bah si, un peu tout de même ; dans cette aventure, le héros démontre qu’il a un cœur et qu’il y a une limite à l’ignominie qu’il peut admettre. Mais surtout, il enfreint sa règle en assassinant gratuitement.

Matz jongle relativement bien avec ce nouveau paradigme en évitant de dénaturer le protagoniste. Peut-être parce qu’au fil du temps le scénariste a, pernicieusement, fait en sorte que le lecteur sympathise avec cet individu pourtant peu fréquentable. En dévoilant sa vulnérabilité, il réconforte le bédéphile convaincu que la brute a un bon fond.

À la tablette graphique, Jacamon se montre égal à lui-même. Un trait propre, très réaliste, certains diront à l’excès puisque des éléments de décor sont visiblement réalisés avec des photos pas tout à fait harmonisées au dessin. Aussi, les visages des acteurs, vraiment trop synthétiques, traduisent mal les émotions. Barbara, l’agente de liaison et comparse du meurtrier, joue particulièrement faux. L’artiste a tout de même du métier, il se montre d’une redoutable efficacité lorsqu’il construit une scène d’action qu’il filme avec une caméra fluide.

En édulcorant son personnage, Matz le tue symboliquement. En fait, peut-être le temps est-il venu pour qu’il passe l’arme à gauche. Mourir à vingt tomes, ça aurait du panache.

Moyenne des chroniqueurs
5.7