La ballade d'un homme violent
C
riminel dangereux condamné à mort, Floyd Thorne profite d’un transfert et de l’inattention de ses gardes pour se faire la belle. Il laisse quatre gars sur le carreau. Un de plus, un de moins, de toute façon Floyd a son avenir déjà tout tracé et il n’est pas pavé de roses. Enfin libre, il s’est dégoté une voiture au passage et va pouvoir rouler. Malgré les apparences et le chaos, cette cavale désespérée n’est pas gratuite. Le gaillard à un but bien précis et rien de l’écartera de sa route. Cela va sans dire, les forces de l’ordre ne l’entendent pas de la même oreille. Un conseil, restez à couvert, la poursuite risque d’être sanglante.
Road-movie décalé cent pour cent adrénaline sentant bon la poudre et le caoutchouc brûlé, La ballade d’un homme violent dépote grave et pas qu’un peu. En effet, Denis Van P a choisi l’audace et l’exagération pour dynamiter un scénario reprenant les fondements classiques des récits de rédemption et autres thrillers crépusculaires. Entre deux scènes chocs et explosives, l’auteur distille des éléments du passé de son héros. C’est une brute un peu primaire, mais il a ses raisons, à défaut d’excuses. Depuis Pierre Bourdieu, tout le monde sait que les biais et la condition sociale sont en grande partie hérités. Floyd est peut-être aussi une victime finalement. La réponse est non, évidemment. Le jury ne lui a pas accordé de circonstances atténuantes, rappelez-vous. En attendant, il continue à tracer en s’accrochant à un ultime espoir connu seulement de lui et qui changera tout, pense-t-il.
Visuellement, le dessinateur a choisi de jouer avec les codes pour illustrer son histoire : dessins au trait à peine encrés, mise en couleurs expérimentale, découpage très ouvert, inserts de photographies retravaillées, clins d’œil, références et blocs de textes descriptifs n’omettant aucun détail (type d’armes, marques des voitures, composition des tissus, etc.), comme dans une vraie série noire. Parfois agaçante, voire superflue, cette avalanche de précisions anecdotiques rend également la lecture particulièrement amusante et ludique. Mieux encore, au fil des pages, une espèce de connivence, plus ou moins coupable, finit par s’installer entre l’auteur, les personnages et le lecteur. Tout est permis, puisqu’il s’agit de cinéma… de bande dessinée. Même si les styles sont différents, cette approche narrative décapante rappelle beaucoup la démarche de Guillaume Griffon dans l’indéfinissable Apocalypse sur Carson City.
Foutraque, déglingué, outrancier, oui, mais surtout fondamentalement honnête et presque touchant du fait de sa grande humanité (en passant outre l’accumulation de cadavres), La ballade d’un homme violent ne laissera personne indifférent. Une curiosité à découvrir.
6.0