Pauvre meuf !

D ès son plus jeune âge, Lolo cherche à rendre fier son père, notamment en partageant sa passion, la moto. Très vite, elle se confronte toutefois à son jugement sévère, à ses mots maladroits voire blessants, qui vont la poursuivre dans la construction de son identité. Éléonore Costes, car c’est bien d’elle dont il s’agit, raconte son besoin de reconnaissance masculine à travers différentes étapes de son existence et les cicatrices invisibles qu’elles lui ont laissées. Que ce soit durant son adolescence, en se faisant brutaliser par des camarades ou lors de ses débuts en tant que comédienne. Les difficultés à percer dans ce milieu l’ont amenée sur le chemin de producteurs et réalisateurs agresseurs. La protagoniste finit par s’oublier. Il faut attendre un accident de la route pour qu’elle se décide à reprendre le contrôle de sa vie et à enfin tendre à la connaissance de soi.

À travers son autobiographie, Éléonore Costes livre un témoignage touchant. En retraçant son expérience, elle réussit à aborder des sujets sensibles et universels comme la quête d’identité ou encore la poursuite du bonheur. En se confiant ainsi au lecteur, la bédéiste est amenée à représenter des problématiques sociétales, notamment les agressions sexuelles, la culpabilisation des victimes et la stigmatisation. Le début de l'œuvre introduit également le sujet de l’éducation, et le fait que les notes ne mesurent pas l’intelligence d’une personne (position renforcée par le parcours accompli de l’autrice). Le ton n’est jamais moralisateur et, à l’image de la couverture, le scénario amène de façon subtile l’idée que ces blessures invisibles laissent des cicatrices indélébiles. Dans son ensemble, l’ouvrage est rythmé, avec une pointe d’humour parsemée tout du long, qui vient contrebalancer un propos grave. La cadence s’accélère néanmoins à partir de l’accident, ce qui peut donner un sentiment de précipitation au dénouement de l’histoire.

Le dessin d’Aria est simple, coloré, rond et permet d’appuyer l’innocence de l'héroïne dans la première partie du récit. Par son trait faussement enfantin, la dessinatrice - qui signe ici son premier album - dépeint avec fraîcheur les émotions. Par son choix du bleu et blanc sur certaines planches, elle retranscrit la violence et les traumatismes de manière efficace.

Pauvre Meuf ! est un parcours intime, touchant qui interpelle et pousse à s’affranchir de la validation masculine.

Moyenne des chroniqueurs
7.0