Crieurs du crime Crieurs du crime - La belle époque…
A
u XIXe siècle, les journaux fidélisaient leur clientèle en leur proposant les feuilletons littéraires signés Victor Hugo ou Eugène Sue. Les choses changent. En 1907, les éditeurs comptent sur la presse à sensation.
Valentin, journaliste, doit se pencher sur la disparition d’une fillette au Ba-ta-clan. Le scribouillard suit de près l’enquête policière, laquelle met rapidement à jour un assassinat crapuleux semant l’émoi.
Le fait divers à la base des Crieurs du crime, sert de prétexte à la radiographie d’un microcosme. D’entrée de jeu, la fonction des médias et la manipulation de l’information sont ciblés. L’auteur insiste notamment sur le rôle de ces nouvelles sordides qui ont favorisé la naissance d’un sentiment d’insécurité. L’album aborde également certains enjeux sociaux, nommément les conditions de travail, l’abolition de la peine de mort et la place des femmes.
Sylvain Venayre a fait ses recherches pour solidement ancrer son scénario dans les faits, comme en témoignent trois pages de notes détaillées. Dans ce type de projet, le défi est de s’assurer que le volet documentaire n’écrase pas la trame narrative. Mis à part quelques dialogues un peu lourds, l’auteur s’en sort très bien. Le déroulement se montre fluide et le héros poursuit sa quête. Le lecteur s’attache à l’idéaliste qui porte un regard lucide sur son métier et son époque.
Hugues Micol a su parfaitement capter l’esprit du temps avec des illustrations réalisées à la gouache, lesquelles évoquent certains artistes contemporains de l’action, tels Edgar Degas et Édouard Manet. Il décrit un Paris oublié avec hommes en redingote, dames en robe longue et rues parcourues de chevaux tirant des charrettes. Le livre se divise en douze tranches, chacune correspondant à une journée ; toutes sont précédées d’une belle double planche offrant une vue sur un immeuble parisien. Ses personnages, expressifs et vaguement caricaturaux, s’inspirent pour leur part du style d’Honoré Daumier. Chapeau au dessin de couverture où l’ombre d’un journal prend la forme d’un poignard, cette composition synthétise admirablement le récit et son essence.
Un scénario didactique et bien maîtrisé. Il est intéressant de constater qu’un siècle plus tard, la désinformation et le frisson de terreur constituent toujours un fonds de commerce profitable pour les médias.
8.0