Paris - Damas, Liaisons mortelles

I l est indéniable que la très longue histoire remontant aux temps bibliques est pour quelque chose dans la complexité sociale et politique du Proche-Orient. Quand les querelles de famille et de mauvais voisinages s’étendent sur des siècles, il est impossible de retrouver les causes et encore moins de dégager des solutions équitables. Plus près de nous temporellement, l’exemple de la Syrie est sur ce point très parlant. Composé d’une mosaïque de communautés culturelles, ce territoire s’étend de la Méditerranée à l’Iran, la Turquie et l’Irak et a été sous la domination de la Porte dorée jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale. La France fut ensuite chargée de l’administrer. La Seconde Guerre mondiale vint rebrasser les cartes, puis, après quelques années marquées par le panarabisme, Hafez el-Assad a pris le pouvoir en 1970. Il ne le lâchera qu’à sa mort en 2000, son fils Bachar prenant la relève.

Cette dictature en règle est marquée par sa violence, son totalitarisme (y compris l’usage du terrorisme à l’internationale) et une relation privilégiée avec l’URSS, puis la Russie de Poutine. Changement de régime, guerres régionales et civiles, retournement d’alliance, opportunisme, corruption, crises économiques, rien ne semble toucher ou ébranler la mainmise des Assad sur leur pays. Ce n’est pas faute d'avoir essayé pourtant. En effet, la France, du fait de sa relation historique avec ces territoires, a souvent tenté d’influencer les dirigeants syriens. Jean-Claude Bartoll et Nicolas Otéro y consacrent une enquête-choc dans Paris – Damas, liaisons mortelles.

Sous-titré 50 ans de coups tordus entre la France et le clan Assad, l’album annonce la teneur de son contenu dès la couverture. Les morts se comptent par milliers, la realpolitik règne en maître et les intérêts financiers ou industriels ne sont jamais loin. De François Mitterrand à Emmanuel Macron, tous les présidents hexagonaux et la diplomatie française ont essayé d’avancer leurs pions et tenté de séduire les membres de la haute administration syrienne. Résumons : au fil des ans, absolument toutes les tentatives ont échoué. Ce constat d’échec est dramatique et illustre très bien l’imbroglio qui règne dans cette partie de la planète. Le coût humain n’en reste pas moins terrible, malheureusement.

Faite de photographies légèrement retravaillées et dénuée de dialogue, la narration se montre austère comme peut l’être un long rapport officiel de l’ONU ou d’Amnesty International. D’un autre côté, ce rendu froid et passablement statique, malgré son réalisme clinique, répond très bien à la brutalité généralisée dans laquelle baigne la Syrie. Il sera intéressant de comparer la vision de cet ouvrage avec celle de Riad Sattouf dans L’Arabe du futur et, plus particulièrement, Moi, Fadi.

BD-docu classique ultra-documentée à la mise en image précise (à défaut d’être très imaginative), Paris – Damas, liaisons mortelles a le mérite de présenter un exposé clair et synthétique d’une des poudrières géopolitiques actuelles.

Moyenne des chroniqueurs
6.0