Mafalda Mafalda, mon héroïne

R are personnage féminin emblématique de la bande dessinée mondiale, Mafalda continue de passionner, de distraire et de faire rire un large lectorat, en dépit du fait que la série s'est arrêtée en 1973 et que son créateur, l’immense Quino est décédé en 2020. Pourtant, les propos de ce strip social, vaguement calqué sur les Peanuts de Charles Schulz, reflétant et commentant l’humeur de son époque aurait pu passer de mode. Le monde, les priorités, les combats et les attentes ont certainement évolué depuis les années soixante, n’est-ce pas ? En y regardant de plus près, ce n’est en fait pas si clair. La bipolarité de la géopolitique a bien disparu en 1989, mais elle s’est transformée en une pieuvre tellement compliquée qu’il est difficile de retrouver ses tentacules. Quant au féminisme, alors balbutiant dans cette Argentine macho et à la démocratie chancelante, s’il y a eu des progrès, l’égalité des chances n’est pas encore au rendez-vous, sans parler de celle pour les minorités.

En 1964, une fillette rêvait de devenir interprète aux Nations Unies pour aider à établir la paix, écoutait les Beatles sur son électrophone et souhaitait que sa mère puisse s’échapper des tâches domestiques. En 2024, treize autrices de leur temps prennent la relève. L’ONU a perdu de son lustre, la musique se stream désormais et il reste ô combien de plafonds de verre à briser. Plus ça change, plus c’est pareil.

Album hommage collectif plein de tendresse et d’admiration, Mafalda mon héroïne présente des exercices de recréation et de réinterprétation. Quino avait son style et ses manières, ils sont évidemment impossibles à reproduire tels quels. Que faire ? Des histoires en quatre cases ou en quelques pages ? Parler de soi et de l’influence que la série a eu sur sa personne ? Moderniser le discours avec les dernières tendances sociétales ? Réinventer, tout en conservant l’esprit frondeur de la fillette ? Pourquoi pas la faire vieillir ? Le résultat final reflète toutes ces possibilités avec, c’est le corollaire de ce type d’ouvrage, plus ou moins de succès.

De Mafalda, tout le monde a gardé une voix, celle de la raison et de la colère. La logique fait face à l’incompréhensible, l’espoir et le bonheur se confrontent aux inégalités et à la méchanceté. Pour cela, elle est immortelle et, même à soixante ans passés, elle observe le monde de la meilleure des façons, avec ses yeux d’enfant.

Moyenne des chroniqueurs
6.0