Les 5 Terres 13. « Rester vivants »

Q uoi de mieux, pour s’unir, que d’attiser le sentiment de haine à l’égard d’un adversaire commun ? Après des années passées à réunifier – de gré ou de force – les clans, le roi Rinzem a gagné son pari : rassembler toutes les sensibilités sous une seule et même bannière. Ce jour-là, des centaines de navires quittent Arnor. Après avoir traversé l’Athrys, ils entendent bien anéantir leur ennemi juré : Angleon ! Jouissant d’une position géographique centrale déterminante, les félins règnent sur l’océan et imposent depuis longtemps leur loi sur les Cinq Terres. Une hégémonie à laquelle le souverain des ours compte bien mettre un terme en s’octroyant le trône occupé par la reine Astrelia.

Que le temps passe vite ! Voilà déjà cinq ans que Les 5 Terres occupent les rayonnages des librairies… ainsi que la traditionnelle table des nouveautés, avec treize tomes parus pendant la période, auxquels s’ajoute un hors-série. Une bonne partie du chemin des trente volumes annoncés, dès le départ, par les auteurs a donc déjà été parcourue. Avec cet opus, s’ouvre le troisième cycle, à présent centré sur Arnor. En l’abordant, les amoureux de la série savaient qu’ils devaient s’attendre à ce que le trio Lewelyn (Andoryss, Chauvel, Wong) concocte une toute nouvelle proposition scénaristique. C’est pleinement le cas avec ce peuple, d’inspiration nordique, composé de féroces guerriers structurés selon une organisation clanique. De quoi créer l’espace fertile pour déployer de multiples luttes de pouvoirs et trahisons, qui agitent d’ailleurs rapidement l’intrigue. C’est, en quelque sorte, la marque de fabrique de la saga et, certainement, l’une des clés de son succès. La complexité du caractère de plusieurs protagonistes (à l’image de l’ex-otage Genkin) s’esquisse également, posant les fondements des futurs développements du scénario.

À la fin du précédent cycle, le prince Khalden (celui-là même qui envisageait, dans le tout premier volet de la série, un mariage avec Mileria Magneon, fille aînée du roi Cyrus) débarquait sur la petite île de Gatheran avec ses hommes mais ne parvenait pas à mettre la main sur Astrelia, protégée par les singes. Le cliffhanger était de taille car tout laissait présager que de gros affrontements s’annonçaient. De ce point de vue, l’histoire reprend exactement là où elle s’était interrompue. Comme prévu, la bataille fait donc rapidement rage. C’est l’occasion pour Jérôme Lereculey, d’une constance remarquable dans la précision accordée tant aux individus qu’aux décors, d’offrir des planches admirablement puissantes qui, malgré la foule et l’impact des combats, conservent une parfaite lisibilité. Avec la galerie de nouveaux personnages introduits, un important travail de chara design était également à fournir. Un écueil potentiel se présentait car, contrairement aux félins ou aux primates, les races d’ursidés sont relativement peu nombreuses. Pour que les lecteurs puissent aisément s’y retrouver, il était donc indispensable de différencier efficacement tous les intervenants. Usant de plusieurs astuces (jouant sur la chevelure, les vêtements ou encore la corpulence), Didier Poli et Jérôme Lereculey ont relevé le défi avec brio.

Rester vivants est une entame parfaitement aboutie qui lance dans les meilleures conditions le cycle consacré à la terre des ours. Décidément, volume après volume, l’aventure Les 5 Terres est proche du sans-faute.

Moyenne des chroniqueurs
7.8