Mille femmes blanches 1. Un train pour la gloire

C hicago, 1873. À la demande de ses parents, May Dodd est internée dans un institut de santé mentale. Le motif : dépravation et perversion sexuelle. En d’autres mots, elle aime un noir, lequel lui a donné une paire d'enfants. Elle y restera deux ans, jusqu’à ce qu’un programme gouvernemental l’invite à s’installer en pays cheyenne. Elles seront mille à faire le voyage, presque toutes blanches. Dans le train les conduisant vers l’ouest, elles savourent un rare sentiment de liberté.

Dans cette adaptation d’un roman de Jim Fergus, Lylian adopte un ton résolument féministe où le sort de la moitié de l’humanité se compare à celui des Afro-Américains et des autochtones. Le texte n’est pas à l’abri de certains clichés. Quand un personnage affirme : « Il faut croire que les hommes savent mieux que nous ce qui se passe dans le corps des femmes », le lecteur a l’impression d’avoir entendu une ou deux fois ce type de réplique. Le mythe du « bon sauvage » se montre également au rendez-vous.

Sous le signe de la langueur, le projet expose l’ambiance étouffante de l’asile, les traitements abusifs et la violence ambiante. En début d’album, quelques planches muettes sont parlantes ; nul besoin de mots pour exprimer l’oppression. Des extraits du journal de l’héroïne permettent du reste d’explorer sa psyché. Le deuxième volet du livre se déroule en grande partie dans un wagon où le rythme demeure lent. Il s’y passe peu de choses, mais les échanges, badins, sont révélateurs de la condition de vie des dames, il y a cent cinquante ans.

Le récit se termine au moment de la rencontre avec les Amérindiens. Il pourrait fort bien s’arrêter là. Une suite est toutefois prévue, le choc des cultures s’annonce fascinant.

Le narration est portée par le beau dessin semi-réaliste d’Anaïs Barnabé. À quelques exceptions près, la direction des acteurs est impeccable, les regards des comédiens apparaissent d'ailleurs particulièrement éloquents. Les décors, soignés, traduisent parfaitement l’esprit des différents lieux. Enfin, le coloriste Hugo Poupelin réalise de jolis clairs-obscurs dans la maison de repos, avant de subtilement éclaircir les teintes lorsque les femmes cheminent vers leur nouvelle vie.

Carton rouge à l’éditeur qui vend la mèche en quatrième de couverture. Pourquoi diable annoncer la chute, plutôt que de laisser les lecteurs l’apprendre en même temps que les protagonistes ?

Le scénario étant inspiré de faits historiques, les États-Unis démontrent, une fois de plus, qu’ils constituent un puits sans fond d’anecdotes étranges et absurdes.

Moyenne des chroniqueurs
8.0