Mamie n'a plus toute sa tête
B
onne Maman, Mamie gâteau, Mamie tricot, Mamie copine, sont les petits surnoms auxquels les grand-mères peuvent être associées. Mais Madeleine est un peu spéciale, bien loin du portrait habituel de la mamie aimante. Le lecteur pourrait reconnaître dans cette héroïne au visage tout ridé, au dos voûté et se baladant la tête recouverte de bigoudis, des similitudes avec sa propre ascendante. Mais la ressemblance devrait rapidement s’amenuiser car Madeleine nourrit des intentions pour le moins… inhabituelles.
À force de discuter avec les fantômes de son passé, la vieille dame croit revivre la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, elle consacre une grande partie de son temps à éliminer les nazis qui viennent sonner à sa porte. Le choix du prénom Madeleine prend, alors, un sens un peu particulier. Mais c’est bien en 2018 que l’histoire se déroule et les prétendus suppôts du IIIè Reich sont en réalité des visiteurs d’une grande banalité, à l’image de l'électricien venu changer le compteur Linky. Heureusement, la séniore a un petit-fils attentionné, qui n’est autre que l’auteur lui-même. Celui-ci passe très souvent prendre des nouvelles de sa grand-mère, lui apporte ses courses et développe des compétences de nettoyeur post-mortem. Malheureusement pour lui, dans une petite ville, les disparitions inquiétantes se font vite remarquer et une enquête est ouverte. La police n’est d’ailleurs pas la seule sur le coup ! Face aux nombreuses absences de son mari, l’épouse de Romain engage un détective privé, missionné pour faire le point sur sa fidélité.
Romain Dutreix offre au lecteur une comédie loufoque et cocasse. Le rythme des péripéties apporte un dynamisme au récit à la ligne directrice solide. Ici, l’auteur intervient sur tous les fronts, le scénario, le dessin, les couleurs mais il réussit également à se mettre en scène, faisant ainsi preuve d’une grande autodérision. Figurant comme l’un des personnages principaux, il réussit à semer le doute. En parcourant l’ouvrage, le lecteur pourra questionner la limite entre fiction et réalité. Romain Dutreix est-il un simple auteur comique ou le complice d’une criminelle ? Le scénariste ayant déjà montré sa maîtrise du style (h)umoristique par son travail chez Fluide Glacial, il ravit ici les lecteurs avec un humour noir et piquant. Par son trait caricatural, l’auteur exagère toutes les lignes, notamment des visages, mais également les émotions. Cela rend le personnage de Madeleine davantage attachant et ceux du commissaire et de sa jeune recrue encore plus amusants.
L’image de la grand-mère traditionnelle laisse place, pour le plus grand amusement du lecteur, à la mamie serial killer. Un premier tome très prometteur, à savourer avec un petit thé et les biscuits de sa mémé !
6.5