Les cœurs de ferraille 3. Sans penser à demain

P remière moitié du XXe siècle, nord des États-Unis. Dans une société dystopique, les androïdes sont omniprésents. Les liens s’affichent en apparence égalitaires; à l’usine, un être de métal peut même être le contremaître d’un humain. Lorsque Naiad, fille d’un riche industriel, tombe sous le charme d’un limier-robot, l’harmonie interraciale s’effrite.

Beka poursuit sa saga, où chacune des livraisons discute de la difficile cohabitation entre les deux espèces. Les premiers tomes ont abordé l’affection d’une gamine pour sa nounou artificielle (Debry, Cyrano et moi) et la créativité (L’inspiration). Le troisième s’intéresse principalement à l’amour.

Sans penser à demain apparaît un chouïa en deçà des titres précédents. Peut-être parce que la surprise est moins au rendez-vous. À moins que ce soit en raison de la redondance du plaidoyer des auteurs pour le vivre ensemble. Ou encore parce que les grandes amours contrariées constituent un sujet largement surexploité, comme l’expriment facétieusement les clins d’œil à La petite sirène, de Hans Christian Andersen, et à Cyrano de Bergerac, d’Edmond Rostand.

Il ne faut toutefois pas bouder son plaisir. Le récit se montre solide et les enjeux bien cernés. Les protagonistes sont attachants et le lecteur comprend les réticences de l’entourage à l’égard d’une liaison pour le moins surprenante. Le propos s’enrichit du reste d’un secret de famille dont la révélation provoque une conclusion spectaculaire, laquelle redéfinit les liens unissant plusieurs personnages.

L’album est supporté par le très joli dessin de Jose Luis Munuera. Ses généreux décors réalistes donnent toute la saveur au projet. L’artiste se révèle d’ailleurs aussi à l’aise dans la représentation de la ville et de ses usines que dans celle d’une idylle joyeusement kitch avec, en toile de fond, un coucher de soleil. Les acteurs, semi-caricaturaux, jouent toujours juste. Il en va de même pour les androïdes, alors qu’une inclinaison de la tête ou un cou fléchi trahissent les émotions les animant, même si leur visage demeure figé.

Le premier tome évoquant l'esclavage et les plantations de coton, il était logique de situer l’action aux États-Unis. Mais dans la mesure où les livres demeurent autonomes, le bédéphile se demande pourquoi cette série franco-belge ne porte pas son regard au-delà de l’Amérique.

Longue vie à cette saga destinée à un public jeunesse, mais disposant de tout ce qu’il faut pour séduire les parents.

Moyenne des chroniqueurs
7.0