Macrales et Corbeaux

W allonie, hiver 1794. Le ressac de la Révolution française se fait sentir dans la province et les temps sont difficiles, voire périlleux, pour les congrégations religieuses. La fuite ou la mort, le choix est simple. Mais fuir où ? Le père Martin, un curé «de choc» à qui l’évêché a confié la mission de mettre en lieu sûr une relique précieuse, a sa petite idée. Il connaît une sorte de sanctuaire souterrain datant de plusieurs siècles et oublié de tous, perdu au fond d’une des forêts de la région. Méfiance néanmoins, outre les patrouilles anticléricales, d’autres dangers se cachent dans les bois. Des macrales, des sorcières, et elles ont aussi des comptes à régler avec l’Église et ce prêtre en particulier.

Western ou road-movie dans les grands espaces américains, thriller contemporain à travers une mégapole, Macrales et Corbeaux est une course-poursuite aux portes de la Belgique à la fin du XVIIIe siècle. Ce premier album rempli de fureur et de fracas entraîne le lecteur dans double confrontation infernale et mortelle à travers le Brabant. Un jeune moine servant de Candide accompagne malgré lui une figure héroïque plus grande que nature, ils ont à leurs trousses deux groupes assoiffés de sang et de revanche. La trame serait bien simple si Ghi n’avait pas compliqué les choses en brouillant les pistes et les vraies natures de ses personnages. Stop, ce n’est pas le moment pour les digressions, l’urgence c’est de se mettre à couvert et éviter les mauvais coups.

Bien mené et rythmé, quoiqu’un peu mécanique sur la longueur, le scénario s’avère efficace et équilibré. Scènes d’action et instants plus contemplatifs s’enchaînent naturellement jusqu’à une explication finale tendue et dramatique. Certes, un petit peu plus de contexte ou d’approfondissement ici et là n’aurait peut-être pas été de trop et aurait donné plus de chair à une histoire finalement très classique. L’auteur en a décidé autrement et est resté uniquement centré sur le cœur de son récit. Dont acte, le résultat tient la route, c’est ce qui est le plus important.

Visuellement, les planches à l’encrage léger, presque aérien, montre que le dessinateur se cherche encore. Les influences sont nombreuses (Manu Larcenet, Mathieu Bonhomme, voire Pierre-Henry Gomont viennent immédiatement à l’esprit), même si un embryon de style perce ici et là au fil de l’ouvrage. Sur le plan du découpage et de la mise en scène, l’ensemble est nettement plus convaincant. Les différents éléments sont parfaitement en place et la lisibilité sans défaut.

Agréable, bien pensé et superbement réalisé, Macrales et Corbeaux marque une entrée dans le monde de la bande dessinée globalement réussie pour Ghi. Bravo et bienvenue.

Moyenne des chroniqueurs
6.0