Marée haute

« Ce qui suit n’est pas une histoire vraie, mais le fruit de mes souvenirs. »
Badalone, côte espagnole, années 1990. La mer est si polluée qu’il est interdit de s’y baigner. Qu’à cela ne tienne, la plage est bordée de petits commerces offrant piscine et restauration. C’est dans cet univers que grandit Isaac. Marée haute, raconte le quotidien du gamin, de sa famille et des clients fréquentant leur établissement.

Isaac Sánchez adopte le point de vue du garçon, lequel observe le monde des adultes qu’il interprète à sa façon. Dans cette chronique emplie de tendresse, le lecteur s’amuse du regard naïf et oblique que l’enfant porte sur les événements.

L’ensemble a un peu l’allure d’une courtepointe où se lit un amalgame de tranches de vie, de rêves, de segments de style fantastique racontés par le père et de tentatives de réalisation de bandes dessinées, sous l’œil bienveillant du grand frère. Bref, un mélange de vrai et de faux, qui n’est pas sans évoquer la nature autofictive de l’album.

Le bédéphile finit toutefois par ressentir un trop-plein de bonnes intentions déployées sur plus de deux cents pages. D’une saynète à l’autre, le récit peine d’ailleurs à véritablement prendre son envol. Entre deux anecdotes, il est parfois tentant de poser l’album en se jurant d’y revenir un autre jour.

Le dessin se montre aussi varié que la narration. Bien que le ton soit avant tout caricatural, l’artiste peut radicalement changer de style pour dépeindre un rêve, figurer le trait maladroit du marmot essayant de réaliser ses premiers croquis ou encore se mettre en scène dans un photo-roman. Certaines planches pastichent le travail de Francisco Ibáñez (Mortadel et Filemon), alors que d’autres rappellent Manu Larcenet (celui du Rapport de Brodeck et de Blast). Enfin, les chapitres sont précédés de photos de famille, mal cadrées et souvent sous-exposées, mais pleines d’authenticité. Bien que dépareillé, le projet fonctionne, alors que le chaos ordonné se révèle convaincant.

Avec Marée haute, sa première bande dessinée traduite en français, l’Espagnol présente une jolie démarche formelle, finalement plus intéressante que son propos.

Moyenne des chroniqueurs
7.0