Un sombre manteau Un Sombre manteau

P yrénées espagnoles, XIXe siècle. Mara, une vieille dame, vit seule au milieu des bois. Les habitants du hameau voisin entretiennent une relation de type amour-haine avec cette dernière. Libre et un peu sorcière, elle cueille les herbes et les racines utiles pour soigner les villageois. Lorsqu’elle accueille une vagabonde, la méfiance s’accentue, d’autant plus que l’inconnue pourrait être recherchée par les forces de l’ordre. En toile de fond, un mystérieux mal s’attaque aux gens et aux bêtes.

Un sombre manteau aborde essentiellement la question du libre-arbitre dans une société dominée par le patriarcat, le clergé, les autorités et, surtout, la tradition. Pour la protagoniste, qui n’est plus toute jeune, s’ajoute la gestion de l’héritage puisque plusieurs convoitent son bien. Tout cela pendant que la modernité s’impose doucement, même dans les coins reculés, alors que la science défie les savoirs traditionnels et que certains aspirent à davantage, par exemple, travailler à l’usine.

Jaime Martin fait le choix de cristalliser tous les enjeux autour des droits féminins. Face à un petit groupe de femmes de tous les âges, des maris peu ragoûtants, un médecin, un enquêteur et un prêtre obtus, tous moins empathiques les uns que les autres. Pas un seul homme ne manifeste un semblant de sympathie, de sensibilité ou de compréhension. Ce point de vue, binaire et sans nuances, déçoit.

Aussi, certaines ellipses impromptues déconcertent le lecteur et l’incitent à relire quelques pages pour s’assurer d’avoir bien interprété les choses.

Artiste complet, l’Espagnol habille son projet d’agréables illustrations réalistes. Son trait, gras, rappelle celui de son compatriote Rubén Pellejero. Les décors sont dépouillés quoique jolis. L’illustrateur privilégie la représentation des individus, souvent en gros plans. La violence s’avère omniprésente, mais rarement montrée. L’auteur de Jamais je n’aurai vingt ans choisit plutôt de cadrer un visage ou une main pour illustrer la tension ; c’est généralement suffisant et, pour tout dire, le dessin y gagne en force.

En feuilletant l’album, le bédéphile notera la belle colorisation, toujours dans des tons très foncés ; la lumière apparaît du reste rarissime dans cet ouvrage au propos tourmenté.

Un récit historique, traitant de sujets qui demeurent d’actualité, le tout nappé d’une fine couche de fantastique ; le résultat se montre concluant.

Moyenne des chroniqueurs
7.0