Antipodes
B
aie de Rio, 1557. Nicolas est capturé par les Tupinambas, une tribu d’anthropophages. Sa voix magnifique gagne toutefois le cœur de ses ravisseurs et lui évite de finir dans leur estomac. Marié à Pépin, le Français décide de rester avec eux, alors qu’il est attendu à Fort Coligny, où le despote Villegagnon tente d’établir une colonie.
Antipodes propose une réflexion sur l’étranger et sa différence. Ceux venus d’outremer, bien qu’héritiers de millénaires de savoirs et de technologies, s’avèrent mal adaptés dans un monde où la nature a le dessus. Les autochtones, en adéquation avec leur environnement, y évoluent en toute harmonie.
Le contact entre les deux univers n’est pas sans provoquer des rapports de force et des gestes de barbarie. L’auteur observe d’un côté des militaires tirant à l’arquebuse et exploitant des esclaves. De l’autre, des aborigènes équipés d’arcs et de flèches, n’hésitant pas à manger de la chair humaine. Au final, chacun semble le barbare de son prochain, comme l'écrivait Montaigne, à la même époque.
L’originalité de ce projet tient probablement à la perspective adoptée. Alors que l’histoire est généralement racontée du point de vue des civilisations européennes, le scénariste choisit d’exposer la perception de la population locale. D’ailleurs, il n’évite pas d’embrasser le mythe du bon sauvage. Bien que le héros se montre incontestablement au cœur des aventures, son rôle consiste à être le révélateur de son vis-à-vis. En cela, le récit s’apparente à une fable.
Comme il le fait à l’occasion (quoique pas très souvent), David B. confie ses pinceaux à un collaborateur. Loin de pasticher son collègue au style si caractéristique, Éric Lambé adopte un trait complètement différent. Son dessin naïf, avec ses personnages désarticulés, semble inspiré par les arts autochtones. Il est amusant de voir que dans ce monde, les natifs dévoilent leur sexe, mais ont les jambes et les bras vêtus de tatouages. Vaguement pixellisées, les couleurs donnent à l’ensemble l’allure d’œuvres pointillistes. La touche se révèle parfois subtile, à d’autres moments elle devient grossière, notamment pour représenter les effusions de sang.
Un agréable conte, un peu moral, mais sans trop d’excès.
7.0