Le maillot de la discorde
J
uin 1930, Villefranche-sur-Mer, l’équipe de foot française monte à bord d’un paquebot ; direction l'Uruguay où se déroule la première Coupe du monde. Alexandre Villaplane, qui arbore le brassard du capitaine, se lie d'amitié avec Étienne Mattler, lequel le portera huit ans plus tard. Les deux hommes se montrent on ne peut plus différents. Le premier aime l’argent facile et les combines, il sera d’ailleurs banni du onze français. Pendant la guerre, il collabore avec la Gestapo et sera fusillé. Le second, modèle de probité, s’illustre dans la Résistance.
Allégorie forcément involontaire, le vilain officie en milieu de terrain, une position nécessitant une bonne lecture du jeu et une disposition pour rapidement discerner où se trouvent les occasions et lancer l'attaque. Son partenaire est pour sa part défenseur, une fonction discrète, peu spectaculaire, mais essentielle.
Au final, l’un se veut un concentré de tous les vices (adhésion à l’entreprise du troisième Reich, manipulateur et volage), alors que son coéquipier n’a que des qualités (honnête, loyal et patriote). Le ballon rond demeure un prétexte pour décrire deux profils de Français. Bien que tout porte à croire que les faits rapportés sont exacts, le lecteur ressent un certain malaise. Les choses sont rarement si tranchées. Tous deux ont certainement des zones d’ombre et de lumière ; il aurait été judicieux de les exposer en présentant des versions moins unidimensionnelles des personnages.
Même s’ils sont en toile de fond, les balbutiements du championnat mondial constituent la matière la plus intéressante du projet. Il y a un siècle, les joueurs étaient amateurs et un esprit bon enfant animait les joutes. L’événement s’est depuis transformé en une machine à fric dominé par le commerce. Cette trajectoire apparaît d’ailleurs similaire à celle des Jeux Olympiques.
Le dessin semi-réaliste d’Étienne Oburie soutient bien Le maillot de la discorde, mais semble parfois schématique. Les personnages affichent un registre de jeu limité et les décors s’avèrent souvent simples, voire inexistants. Cela dit, le travail est propre et assure la lisibilité du récit.
Alors que la tension monte en Europe, un sport atteint un statut planétaire. Il y a peu de points de convergence entre les deux phénomènes, les auteurs arrivent toutefois à en trouver un et à l’exploiter agréablement.
6.0