Terra Animalia
« Vous vous comportez comme des humains, cela est indigne d’un animal. »
Depuis quelques millénaires, les bipèdes ont déserté une Terre devenue invivable. Sans eux, la planète redevient toutefois idyllique. Guidées par les gardiennes, les bêtes vivent en bonne entente. Le soir, autour du feu, elles se racontent les terribles récits des hommes qui, en plus de détruire l’environnement, les ont massacrées, enfermées, torturées et chassées. Sur Mars où ils se sont réfugiés, les gens se languissent et rêvent de la mère patrie. Deux scientifiques, Anuii et Praxx viennent en éclaireurs. Méfiantes, les bestioles n’approuvent pas ce retour ; seule Nyelle, une canidée, s’approche d’eux. Ce contact, même fugace, lui vaut d’être bannie de son clan, alors que Vieille-Mère, la matriarche, se proposait d’en faire sa successeure.
Patrick Mallet signe une gentillette fable animalière. Il n'y a cependant rien de bien nouveau à accabler monsieur Dupont et sa fiancée, même s'ils méritent les reproches que le scénariste leur adresse. Le ton, excessivement moralisateur, manque de subtilité. Tout est dit, rien n’est suggéré. Dans ce monde parfait aux accents autoritaires, les femelles détiennent le pouvoir. Il est d'ailleurs étrange que la différence soit fustigée ; l’homo sapiens n'aura accès au paradis que s'il se soumet au mode de vie imposé par la faune. Le conte devient du reste carrément n’importe quoi lorsque, en quelques semaines, les arrivants se couvrent de poils et voient leur queue pousser. De quoi faire de Charles Darwin une proie à l’insomnie au fond de sa tombe.
Tom Tirabosco adopte un style complètement différent de celui de La femme sauvage, Kongo ou Wonderland; Fini le trait charbonneux et le noir et blanc. L’artiste se réinvente avec un dessin naïf, enrobé d’une abondance de couleurs vibrantes et vivantes. Plusieurs créatures ressemblent à des peluches, un choix esthétiquement intéressant, quoiqu’étonnant lorsque ces dernières traquent et tuent leurs proies. Les très larges vignettes donnent à l’illustrateur tout l’espace dont il a besoin pour dépeindre sa vision du jardin d’Eden.
Bien qu’il compte cent vingt planches, l’album semble destiné à un public assez jeune, peut-être aux gamins âgés de dix ou douze ans. Les auteurs y livrent un message aussi pessimiste que radical : les êtres humains sont moches, la seule façon acceptable de vivre demeure celle des animaux.
6.0