Lyrica

I l reste des maîtres du manga dont les travaux n'ont pas encore été traduits dans les espaces francophones. Ce fût le cas du délirant Keizo Miyanishi, jusqu'à ce que les éditions IMHO proposent de rendre disponible son recueil intitulé Lyrica.

Paru en 1994 au Japon, cet album compile dix-huit récits qui furent publiés entre la fin des années 1970 et le début des années 1980. L'auteur n'avait alors qu'une vingtaine d’années et il cherchait son style . Comme il l'écrit "à la Belmondo" dans la postface, : "À tous ceux qui m'empêchent de vivre ma sexualité : allez vous faire foutre !" Le propos résume ce qui fait le sel du travail du mangaka pour lequel le sexe est un sujet des plus sérieux et doit être traité comme tel.

Après avoir débuté comme assistant pour Mori Masaki, a seulement quinze ans, il devient illustrateur dans différents magazines avant de s'intéresser au gekiga érotique dont il repousse les limites scénaristiques et visuelles, le rapprochant en cela du génial Shuehiro Maruo. Tous deux nourrissent leurs travaux d'obsessions sadiennes, et parfois malsaines, où la cruauté n'a d'égale que la perversion humaine. Ainsi dans Frissons de plaisir, les otaku découvrent un adolescent qui abuse de sa sœur paralysée avant de la bruler vive. Dans Petit coq, l'auteur s'épanche sur un viol zoophile qui se termine d'une manière aussi glauque que grotesque. Enfin, dans la Princesse au lys, les lecteurs découvrent la jeune noble nue dans une forêt après la perte de son amant, victime d'un viol collectif de la part des assassins. Ceci n'est qu'un bref aperçu de l'univers de l'artiste.

Graphiquement, le trait est saisissant et beau. Le dessinateur aime les gros plan sur les yeux et les bouches, ainsi que les formes longilignes. Les détracteurs zélés auraient tort de la cataloguer dans le porno. En effet, Miyanishi multiplie les sources d'inspiration, qu'il mixe à l'infini, comme la ligne claire, le maniérisme et le baroque. Il apporte un soin particulier aux décors. Ses récits foisonnent de forêts et d'oiseaux qu'il dessine avec une précision à couper le souffle. Ceci apporte parfois une touche onirique à l'histoire ou bien contribuer à l'ambiance glauque. Son sens de l'esthétisme et sa précision se voit aussi sur les corps qu'il aime à malmener, amputer, casser, y compris les organes sexuels. L'ingénieux mangaka parvient à contourner la féroce censure nipponne en jouant du cadrage et en utilisant le végétal comme dans Une relation charnelle où le sexe féminin devient une fleur.

Lyrica est un manga passionnant et graphiquement saisissant. Cette compilation est idéale pour pénétrer l'univers fantasque de Keizo Miyanishi, tout en étant un indispensable du ero-gekiga

Moyenne des chroniqueurs
7.0