Les vents ovales 1. Yveline

M ai 1967, Larroque et de Castelnau, deux villages établis de part et d’autre de la Garonne. Comme le fleuve, la vie suit son cours, les industriels et les commerçants font de bonnes affaires, les communistes rêvent d’un monde différent, filles et garçons se content fleurette. Sur les deux rives de l’affluent, les sportifs s’entraînent au rugby ; leurs équipes croupissent toutefois dans les bas-fonds du championnat junior. Tout semble immuable dans ces bourgades, du moins en apparence. Mai 1968 est en toile de fond, même si, pour le moment, personne ne suspecte que « Sous les pavés, la plage ».

Au cœur de l’action, Monique, en voie de devenir enseignante de sport, et Yveline, en route vers Paris où elle étudiera. L’été qui s’amorce constitue un point de bascule pour les deux héroïnes. Chacune à sa façon cherche à s’affranchir des dictats familiaux et sociaux. Autour du duo gravitent parents, amoureux et amis. Les personnages se montrent nombreux ; le lecteur s’y retrouve néanmoins aisément dans ce récit choral.

Les événements apparaissent hors du temps et loin de tout. Rien n’est moins vrai. Jean-Louis Tripp et Aude Mermilliod l’expriment joliment alors que chacun des chapitres, qui correspond à un mois, est précédé d’une revue de l’actualité mondiale. Des attaques israéliennes en Égypte aux bombardements américains sur Hanoï, en passant par le « Vive le Québec libre » du général de Gaule. Enfin, Sgt Pepper Lonely Hearts Club Band, le disque marquant la rupture créative des Beatles, tourne sur toutes les platines.

Le projet se dessine sous le signe de la binarité. Anticapitalistes et bourgeois, classes sociales hermétiques, rôles au sein du couple et, surtout, tension entre la modernité et la tradition. Les acteurs sont en effet confrontés à divers enjeux, particulièrement l’émancipation féminine et les inégalités économiques.

Les dissensions poignent, ça et là, mais de l’ensemble se dégage beaucoup de bienveillance. L’humour est tendre, comme dans Magasin général, dont Jean-Louis Tripp est d’ailleurs le coauteur. Le déroulement demeure lent ; chacune des scènes s’établit longuement, un peu comme si le flegme provincial conditionnait le rythme de l’histoire.

Horne propose un dessin semi-réaliste sympathique. Les comédiens sont tous bien caractérisés et affichent des bouilles sympathiques. La chronique est, du reste, servie par des décors soignés, lesquels traduisent l’esprit des lieux et de l’époque. La colorisation repose essentiellement sur des teintes pastel, ces dernières contribuent elles aussi à la mise en place l’atmosphère feutrée de la saga pastorale.

Le titre, Les vents ovales, intrigue. Il évoque une forme fermée ; celui qui la parcourt revient forcément à son point de départ, alors que, dans cet album, la cassure est omniprésente. Reste à voir où l'autal portera les bédéphiles.

Moyenne des chroniqueurs
7.0