Verts

C larence vit seul avec son père depuis que sa maman est hospitalisée. Père et fils ne savent pas comment réagir et surmonter leur peine alors que son coma se prolonge sans piste d'amélioration. De leur côté, Gibril et Lucien ont de plus en plus de mal à supporter leur isolement. Le second, hypocondriaque et dépressif, ne parvient pas à dépasser ses phobies et ses angoisses, au point que le couple se renferme sur lui-même. Ces destins torturés vont devoir faire face à la recrudescence de naissances particulières qui occupent média et scientifiques.

Et si la Nature reprenait ses droits ? Si elle se mettait à pousser partout, constamment, à recouvrir le béton, les routes et même les humains ? De cette idée un peu folle, qui l'a habité des années durant, Patrick Lacan a construit une intrigue troublante. Pour son entrée dans le neuvième art, Marion Besançon est venue épauler le scénariste et a pris en charge la partie graphique. Dans un style aux multiples influences, dont le noir et blanc pourrait faire penser aux mangas mais qui s'en éloigne très vite, l'artiste livre une prestation convaincante. Tout au long de ses deux cent quarante-quatre planches, elle montre un solide sens de la mise en scène et apporte un soin particulier aux décors comme aux textures. L'ensemble se tient et offre des séquences bluffantes qui rendent une ambiance originale.

De plus, les auteurs parviennent à imprimer un rythme soutenu grâce à une jolie montée en tension. Certes, quelques enchaînements paraissent abrupts, mais l'effet est réussi : une intrigue angoissante tout en restant lumineuse et optimiste qui happe jusqu'à l'ultime page. Les thèmes abordés sont nombreux et variés ; rapport à l'environnement, peur de l'autre, refus du changement, montée de l'extrémisme... des sujets qui trouvent un écho dans l'actualité. Sans faux-semblants ni moralisme, les auteurs montrent un large panel de comportements face à l'émergence du phénomène végétal. Toutefois, la morale, qui pourrait se résumer à un « accepter le changement pour être heureux plutôt que le combattre et se renfermer », couplée à une caractérisation un peu naïve de certains personnages, fait perdre en force au propos. L'intention est louable mais la réalisation manque de percussion pour convaincre pleinement.

Verts s'avère une bonne surprise, sorte d'anticipation végétale troublante et poétique qui interpelle. Malgré quelques légers défauts, le travail de Marion Besançon et Patrick Lacan reste à saluer et donne envie de suivre les prochains projets de ces auteurs.

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Moyenne des chroniqueurs
6.0