Les antres 2. Quéa
E
rrant dans les antres, entre le paradis et l’enfer, Anton est convaincu d’être vivant, même s’il a tout oublié de sa vie d’avant. L’âme souhaite fuir cet espace auquel elle n’appartient pas. Pour y arriver, elle compte sur l’aide d’amis, notamment sur celle de la jolie Quéa. Le fugitif a également des ennemis et certains se montrent déterminés à entraver son projet.
Dans Quéa, Éric Puybaret reprend le fil de sa fable onirique amorcé dans L’homme sans poids. L’auteur s’abreuve à toutes les sources, de la mythologie grecque au conte de fées, en passant par Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll. Le ton se veut badin, les dialogues et l’absurdité des événements font sourire et le résultat se révèle réjouissant, alors que le sujet est fondamentalement grave. La communauté se révèle en effet plombée par les interdictions et les restrictions. La couleur (sauf le jaune) et la musique y sont d’ailleurs bannies, le héros y croise pourtant la chanteuse Nina Simone, le rappeur Notorious Big et le compositeur Frédéric Chopin. La mobilisation de ces concertistes, dans un monde où la mélodie demeure proscrite, n’est certainement pas innocente.
Au final, le scénariste propose un récit d’aventures dont la trame apparaît convenue. Le paladin poursuit sa quête envers et contre tous, même s’il n’a pas de repères et que la situation se montre inextricable. C'est tout le reste qui se veut fascinant. Le propos n’est pas toujours facile à suivre ; l’idéal est de se laisser porter par la narration. Une relecture du premier tome est, du reste, presque essentielle avant d’attaquer le second.
Les magnifiques dessins réalisés à l’acrylique contrastent avec l’univers, tel qu’il est perçu par ses habitants. Alors que les personnages affirment que leur monde est incolore, l’artiste offre à son lecteur des pages lumineuses. Côté influences, il faut regarder chez les peintres James Ensor et Jérôme Bosch ou du bédéiste Lorenzo Mattotti.
Éric Puybaret a surtout fait sa marque dans l’illustration de livres jeunesse ; cela se sent dans ses images, aussi élégantes que dépouillées.
Une très belle bande dessinée, à la fois classique et avant-gardiste, bien moins naïve qu’elle ne le semble.
7.5