Sacré Dieu !

I l y a quatre-vingt-dix mille ans naissait Dieu. Au fil du temps et des civilisations, Il change de forme et de nom, mais c’est toujours Lui. Frédéric Lenoir, aux textes, et Anne-Lise Combeaud, aux dessins, relatent Son histoire.

Le scénariste a eu idée de présenter le projet comme une autobiographie. Ainsi, c’est au je que le divin héros raconte son évolution et ses transformations. Des idoles païennes à Bouddha en passant par Jésus et Mahomet, tout un chacun connaît les grandes lignes de ces mythes fondateurs. L’intérêt de Sacré Dieu! est que l’auteur explique le comment et le pourquoi des religions. Leurs naissances n’ont rien de spontané ; elles s’affirment toutes comme une réaction à un malaise sociopolitique.

Avec deux tomes de Philocomix au compteur, le tandem maîtrise la façon d’exposer simplement les phénomènes complexes. Le schéma demeure généralement le même : l’homme et sa fiancée souffrent, se trouvent en mal de réponses et ressentent le besoin de se raccrocher à quelque chose qui les dépasse. Ils peuvent heureusement compter sur un chic type charismatique pour faire face à leurs angoisses existentielles. Ces sauveurs se veulent habituellement de bonne foi. Une fois en place, ils adoptent toutefois de mauvais plis et abusent de leur pouvoir. Si bien que, tôt ou tard, une partie des disciples rejoint les rangs d’une croyance correspondant à ses nouvelles aspirations. C’est de cette façon que vers 600, le culte musulman prend racine dans les dérives catholiques ; les protestants feront de même un millénaire plus tard.

Deux bémols. Tout d’abord, une vision centrée sur l’Europe et l’Asie ; mais il est vrai que les religions monothéistes n’ont pas germé à Ouagadougou ou Ottawa. Aussi, le tout dernier chapitre apparaît un peu court. Le XXIe siècle est contrasté ; d’un côté une montée du fanatisme, de l’autre un athéisme teinté de spiritualités aux saveurs consuméristes (yoga, méditation ou chemin de Compostelle) ; le lecteur en aurait pris davantage. Il aurait même apprécié un peu de prospective.

Il y a peu de choses à dire sur le dessin qui se montre sympathique et efficace. L’illustratrice tend à s’effacer pour laisser toute la place au discours. Elle ajoute ça et là de charmantes notes d’humour, souvent sous la forme de clins d’œil à la modernité.

Une démonstration fascinante ; du chasseur-cueilleur du néolithique au fonctionnaire d’aujourd’hui, rien n’a vraiment changé, tous sont animés par une quête de sens à laquelle répond le merveilleux.

Moyenne des chroniqueurs
7.0