Quand vient l'été

T rois familles avaient pris l'habitude de prendre leurs vacances ensemble, partageant une grande maison près de Marseille. Au fil des années, les enfants ont grandi et les premières amours de vacances ont pointé le bout du nez... jusqu'à ce qu'une tragédie frappe ce petit monde.

Dix années ont passé et les parents de Licia ont organisé une commémoration en mémoire de leur fille. Rachel a longtemps hésité avant d'y participer. Elle ne s'est jamais complètement remise de la disparition de sa grande sœur. Depuis, elle vit depuis dans l'ombre étouffante de celle qui n'est plus. C'est alors qu'elle croise Joaquim. Elle ne l'a plus vu depuis les funérailles. Il faisait partie du groupe... et un peu plus. Il était en couple avec Licia. Un premier amour forcément essentiel et compliqué qui s'est achevé par un drame. Depuis, ils se sont perdus de vue, par peur de raviver des souvenirs trop pénibles. Pourtant, très vite, un dialogue s'installe entre eux. Au fil des mois, l'un et l'autre se souviennent et se confient.

Cette bande dessinée interroge la difficile question du deuil et l'impact qu'il peut avoir sur la construction d'une adolescente au sein de la famille. La tentation de remplir le vide laissé par la disparue est grande, au risque de se perdre. La pression inconsciente exercée par l'entourage entraîne parfois les survivants dans un déni de soi, comme s'il fallait continuer la voie qu'une autre ne peut plus suivre.

Face à ce sujet universel, Laura Nsafou tisse un récit sensible et humain joliment porté par le dessin de Reine Dibussi. Cette dernière, nourrie tout autant à la bande dessinée franco-belge qu'au manga, apporte beaucoup de douceur à ses personnages, malgré une mise en couleur parfois un peu trop artificielle. Il convient aussi de passer outre une couverture passe-partout peu engageante. Enfin, il faut aussi mentionner ce qui devrait être un non-sujet, et pourtant central dans la démarche des autrices. Lors d'une discussion avec une amie, Rachel s'emporte : "Tu vois combien de femmes comme moi, à la télé ? Sur les panneaux publicitaires [...] il n'y a rien dans cette société qui dise que les femmes comme Rachel sont belles [...] t'as plus de chance d'entendre une remarque sur mon poids qu'un compliment", et de soulever la question de sa couleur de peau, plus foncée que celle de sa sœur. Les autrices profitent de ce passage pour adresser une piqûre de rappel à propos du manque de représentation des afrodescendants dans les médias. Souvent cantonnés aux seconds rôles ou par obligation narrative, les personnages racisés sont rarement neutres. Leur appartenance à tel ou tel groupe n'est qu'exceptionnellement gratuite. Invisibilisés ou stéréotypés, alors que rien ne le justifie, sinon une habitude ou un réflexe inconscient qui induit une représentation normative de la société.

Dans cet album, l'héroïne s'éloigne consciemment des Barbie rachitiques et cela ne l'empêche pas d'incarner pourtant magnifiquement cette histoire, jusque dans les passages les plus sensuels. Encore une fois, cela ne devrait pas être un sujet. Il faut malgré tout saluer la démarche assumée d'un duo d'autrices pour apporter un peu de diversité. Et, avec beaucoup de douceur et de bienveillance, Laura Nsafou et Reine Dibussi racontent une histoire touchante et universelle, dans laquelle chacun peut se retrouver.

Moyenne des chroniqueurs
7.0