Nouvelle Chine
E
n 1950, les grands empires coloniaux européens ont beaucoup perdu de leur superbe. Discrètement, le Royaume-Uni et le France préparent leur revanche. Mais le Chuanran apparaît… Le virus se répand comme une trainée de poudre et décime rapidement plusieurs millions de personnes au sein des populations d’Europe et du Moyen-Orient. Curieusement, les partisans du régime communiste fondé par Mao Zedong semblent seuls épargnés par cette pandémie. Peu de temps après, c’est justement la République populaire de Chine qui crée le Bìngdú, un vaccin miracle. En échange de leur aide, ils exigent toutefois des pays touchés par ce nouveau fléau leur conversion aux valeurs universelles du communisme. 25 ans plus tard, la Nouvelle Chine s’étend sur toute l’Eurasie et l’Allemagne vit donc sous occupation étrangère.
C’est dans ce contexte uchronique que Clarke (Mélusine, Cosa Nostra, Urbex) installe son récit noir. Viktor Eberhard est un flic brillant, le genre d’enquêteur capable de résoudre la plus insoluble des équations. Et celle qui se présente à lui est de taille. Depuis plusieurs mois, un mystérieux tueur en série surnommé « le boucher du Tiergarten » sévit à Berlin. Il vient de commettre son septième meurtre. Et comme les fois précédentes, la victime a été découpée et ses organes placés tout autour du corps de manière aléatoire. Mettre la main sur le coupable tourne à l’obsession presque maladive pour l’inspecteur, meurtri par son propre passé.
Dans cette histoire bien ficelée, l’enquête policière se mêle donc aux considérations politiques, le dernier cadavre trouvé s’avérant être celui d’une jeune femme engagée dans la résistance contre l’occupant. La police du parti se mêle alors de l’affaire. Cette confrontation entre ces deux dimensions est subtilement amenée et, surtout, bien exploitée pour alimenter l’intrigue qui gagne à la fois en épaisseur et en originalité. Le récit est rude, désabusé même, marqué par l’omniprésence de la pluie et le poids des compromissions. Le choix du noir et blanc s’avère pertinent. L’encrage appliqué et percutant participe ainsi pleinement au caractère pesant des ambiances. Le trait est net, presque clinique. Si le dessin peut manquer quelque peu d’émotion, il s'inscrit parfaitement dans le ton et vise juste.
Uchronie astucieuse, Nouvelle Chine s’avère être un polar relativement classique mais diablement efficace.
7.0