Lefranc 35. Bombes H sur Almería

E n ce début de l’année 1963, Lefranc enquête sur son oncle Antoine, disparu en 1938, dans le drame de la guerre civile espagnole. Ses recherches le mènent sur la piste d’une certaine Inès de la Cerna, qui réside dans les environs d’Alméria. Le reporter profite de ses vacances de printemps pour aller sur place, à Garrucha, pour en apprendre davantage. Son contact le reçoit et lui apprend qu’elle est sa tante et qu’il a une cousine, Soledad. Pendant qu’ils devisent, décolle de l’aérodrome Seymour Johnson de Goldsboro, en Caroline du Nord, un B 52 Stratofortress, lesté de quatre bombes à hydrogène. Il s’agit, en pleine Guerre Froide, d’une mission de routine, qui consiste à surveiller les frontières soviétiques et à réagir vite et fort si nécessaire. De retour vers les États-Unis, au-dessus de l’Espagne, lors d’un ravitaillement en vol, la forteresse volante entre en collision avec son ravitailleur. Les deux appareils explosent et un des quatre missiles, dont la descente est amortie par des parachutes, tombe dans le jardin d’Inès. Une course à la récupération des engins s’engage entre les forces américaines, qui veulent éviter tout incident sanitaire et diplomatique, et des pêcheurs peu scrupuleux qui comptent bien récupérer un des explosifs gisant sous l’eau. Bien qu’en congé, Lefranc reprend son costume de journaliste et tente de couvrir l’événement. Mais il n’est pas le bienvenu.

Jacques Martin crée la série Lefranc en 1952 dans le Journal de Tintin. Dès la quatrième aventure il ne s’occupe plus du dessin, mais conservera l’écriture jusqu’en 2004. Depuis, plusieurs scénaristes et dessinateurs se sont succédé, dont Roger Seiter et Régric, qui, avec Bombes H sur Alméria, proposent leur sixième épisode, en alternance avec François Corteggiani et Christophe Alvès. Ce trente-cinquième album s’inscrit à la fois dans le théâtre de tensions entre les blocs de l’est et de l’ouest, mais aussi sur les ruines encore fumantes de la Guerre d’Espagne. Toutes les rancœurs n’étaient pas calmées et des envies de vengeance étaient encore vives. Dans une sérénité apparente, les anciens anarchistes et les ex Phalangistes n’ont pas renoncé à leur monde idéal. C’est ainsi que Seiter superpose subtilement deux contextes historiques, livrant un scénario serré et parfaitement mené. Une histoire de famille croise des événements nationaux, des anonymes sont pris dans des tourmentes collectives, des individus payent le prix de tragédies dont ils ignorent l’origine.

Sans surprise, le trait de Régric est fidèle à la ligne claire de Martin, faisant sien la grammaire graphique qui caractérise et a fait le succès de Lefranc et d’Alix. L’originalité n’est pas au cahier des charges et le charme continue d’opérer, même si, à plusieurs reprises, l’œil est agressé par des proportions mal maîtrisée, des personnages se trouvant surdimensionnés par rapport à d’autres ou au décor. À ce niveau, c’est fort dommageable, même si ce défaut ne gâche pas la lecture de cette aventure plaisante.

Moyenne des chroniqueurs
6.0