Le fauve de Corleone Le Fauve de Corleone

2017, prison de Parme. Au fond de sa cellule, Salvatore Riina se souvient. Il se rappelle ce 11 septembre 1943 lorsque, rentrant des champs avec son père et ses frères, ils trouvèrent un obus allemand. Ils le ramassèrent pour en revendre les éléments. Mais en manipulant l’objet, ce dernier tomba et explosa. Totò, comme il se fait surnommer, avait à peine treize ans. Son père et l’un de ses frères venaient de mourir, l'autre était définitivement handicapé tandis que sa mère allait bientôt accoucher. Le voici, subitement, devenu chef de famille. Cet épisode est l’une des deux explosions déterminantes dans la vie de l’un des parrains les plus influents de la grande criminalité sicilienne. La seconde ? L’attentat de Capaci, organisé sous son autorité le 23 mai 1992, qui coûterait la vie au juge Giovanni Falcone.

Les organisations mafieuses, notamment italiennes, ont inspiré un nombre important d’œuvres littéraires ou cinématographiques. Elles demeurent, néanmoins, une source quasi inépuisable d'histoires. Pour leur nouvelle collaboration après Les croix de bois, JDMorvan (Missak, Mélinée & le groupe Manouchian, Madeleine, Résistante, etc.) et Facundo Percio retracent soixante-dix années d’activité du fauve de Corleone, de ses premiers pas dans le banditisme à sa mort d’un cancer, en passant par son jugement. L'angle retenu se révèle astucieux : le vieil homme malade et emprisonné est à l’aube de sa mort et se confronte à un songe de lui-même. Quelle vie aurait-il mené, s’il n’avait pas pris le chemin du crime ? Le propos trouve alors un juste équilibre. Il ne verse pas dans l’angélisme et ne met en scène aucun véritable remord chez celui qui aura été condamné pour plusieurs dizaines de meurtres. Il ne l’accable pas plus que nécessaire et se garde de le présenter comme un monstre. Les faits qui ont jalonné l’existence du boss de Cosa Nostra parlent d’eux-mêmes et leur évocation, mise en image par un trait rude et charbonneux, suffit amplement à dissuader le lecteur de tout éventuel sentiment de sympathie voire de compassion. La chronologie est bien maîtrisée et la succession des évènements s’avère fluide. La confrontation entre le format d’une bande dessinée de cent-vingt planches et la richesse de la matière première (scénaristique) impose, toutefois, de faire des choix. Un peu trop, peut-être. Au final, se dégage la sensation d’une biographie expresse voire légèrement survolée. La lecture demeure néanmoins agréable de bout en bout et sans temps mort.

Le Fauve de Corleone est une plongée intéressante dans le passé de ce personnage tristement emblématique de la mafia au XXème siècle.

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Moyenne des chroniqueurs
6.0