Les murailles invisibles 2. Tome 2

L ino et ses compagnons continuent leur exploration des «zones» en franchissant les rares brèches dans les murailles qui ont morcelé la surface de la planète. Outre les dangers propres à chaque région traversée, ils réalisent qu’ils ne sont pas les seuls à avoir appréhendé la nature de ces barrières. D’autres habitants en connaîtraient même beaucoup plus qu’eux. En effet, les différentiels temporels engendrés par ce découpage physique inédit de la Terre font que certains groupes survivent depuis des siècles dans cette géographie bouleversée.

Suite et fin (temporaire ? la conclusion de ce deuxième tome s’avère ouverte) des Murailles invisibles. Récit de SF pure et dure, mêlant des concepts tendus aux ressorts classiques du survival, la série n’offre que peu de répit au lecteur. Premier problème, l’univers imaginé par Alex Chauvel et Ludovic Rio se montre complexe à la base et les auteurs n’ont de cesse d’ajouter de nouveaux détails (les différentes langues/patois, par exemple) au fil du cheminement des héros. Cela enrichit évidemment le cadre général, mais l’étouffe aussi passablement. À peine une particularité est-elle digérée qu’il faut déjà en accepter et en intégrer une autre, tout en suivant le déroulement du scénario. Deuxième problème, une caractérisation limitée qui n’invite pas à l’empathie. Les personnages restent des esquisses mal définies qui sont plus imposées telles quelles que réellement vivantes. Alors, certes, Lino, devenu scribe de l’expédition, partage bien ses impressions et le désespoir de Prion est sincère. Par contre, le côté plaqué de ces émotions rendent ces effusions un peu artificielles. Au final, le côté «technique» de la narration prédomine et écrase l’action et le devenir des différents protagonistes.

Ce sentiment d’un immense théâtre aux décors et à la scénographie pensée jusqu’au dernier détail noyant ou paralysant des personnages en quête de sens s’observe pareillement au niveau des illustrations. Milieux et environnements variés, grandes compositions et scènes souterraines, Ludovic Rio a l’occasion de mettre son talent en valeur. Il y réussit souvent, même si son trait synthétique et une mise en couleurs manquant de nuances finissent par uniformiser le rendu général, malgré les changements de climat ! L’ensemble est néanmoins agréable, abouti et très propre (sans doute un peu trop vue l’ambiance road-trip dans l’inconnu). Il est également représentatif d’une nouvelle génération d’artiste maîtrisant parfaitement les outils informatiques. Ceci dit, là-aussi, un peu plus de ressenti et d’émotion n’aurait pas été de trop.

Dans un registre comparable, avec Poussière, Geoffroy Monde avait su intégrer les exigences de la science-fiction de haut vol avec une fable humaine et existentielle. Sur ce dernier point, Les murailles invisibles rate malheureusement le coche. Reste que ce diptyque recèle de nombreuses qualités (cohérence du propos, suspens, originalité du concept) que les amateurs des récits de genre devraient apprécier.

Moyenne des chroniqueurs
6.0