Proies faciles 2. Vautours

I rina, quinze ans, est retrouvée morte, enfermée dans sa chambre. Suicide tragique d’une adolescente en mal de vivre ? C’est ce qu’indique la situation. Alors que le dossier était en train d’être clos, l’inspectrice Tabares et son adjoint Sotillo ont rapidement des doutes. Appelez ça l’instinct du flic ou la conscience professionnelle, mais des petits trucs ne collent pas. Une rapide enquête auprès des amies de la victime et au sein de son école suggérerait même un crime d’une autre envergure. Sextortion, pornographie juvénile, drogue… Face à ces questions, un complément d’information est décidé…

Sept ans après Les hyènes, Miguelanxo Prado propose une nouvelle aventure de Tabarès et Sotillo. Véritable polar noir respectant à la lettre les exigences du genre, Vautours sert surtout de prétexte pour explorer et dénoncer les pires penchants de la société. L’affaire est sordide et les parties prenantes guère plus reluisantes. La volonté sans faille et la soif de vérité de deux flics – les derniers remparts face au chaos ? - seront-elles suffisantes afin de voir les vrais coupables condamnés ? Pour une enquête bouclée, combien d’autres laissées sans suite ? Dicté par la colère et le dégoût, le scénario ne fait pas dans les détails et la longue pêche aux indices ainsi que la remontée difficile des pistes se montrent âpres et sans concession.

Autour des procédures et des interrogatoires, «l’emballage» narratif pêche, malheureusement. La ville et la société sont absentes, quant aux relations qu’entretiennent les deux collègues, celles-ci se limitent à un strict minimum caricatural et le simple prétexte pour des pauses entre deux révélations. Tel un film mal monté ou des acteurs ne comprenant pas trop où le réalisateur veut les mener, l’ouvrage manque d’unité et de direction. C’est d’autant plus regrettable qu’aux pinceaux, Prado rend une copie puissante et parfaitement en accord avec les enjeux en présence. Ambiance brouillardeuse, voire cafardeuse, rien ne semble pouvoir lever ce voile accablant qui englue ces individus et cette société en perte totale de repères. Découpage maîtrisé et mise en page limpide, l’auteur d’Ardalén fait une fois de plus la démonstration de son immense talent.

Album coup de poing totalement justifié, Vautours souffre un peu de la volonté de dénonciation frontale de son récit. Le cri du cœur est évidemment compréhensible et louable ; dommage cependant qu’il se fasse au détriment de la nuance et témoigne d’une certaine simplicité ou naïveté dans sa construction dramatique. Cela dit, ce deuxième tome de Proies faciles est une lecture prenante qui devrait séduire les amateurs de thrillers contemporains.

Moyenne des chroniqueurs
7.0