Blood moon

E n 2101, sur la Lune, l’exploitation minière bat son plein. Malgré un salaire particulièrement attractif, l’aventure sur place n’a rien d’un eldorado pour les quelques milliers d’ouvriers qui ont quitté la Terre. À l’oxygène artificiel qu’ils respirent en permanence s’ajoutent une nourriture infâme et une vie en total vase clos animée, en dehors du travail dans les carrières, uniquement par l’alcool et les prostituées de la base de Blue Moon City. Si personne n’est vraiment satisfait par cette vie précaire, tout le monde semble pourtant s’en contenter. Mais ce fragile équilibre s’effrite rapidement lorsque le premier meurtre lunaire est découvert. L’agitation s’invite et Benjamin Petit, à la tête des forces de sécurité, s’y trouve mêlé malgré lui.

Après son arrivée aux éditions Rue de Sèvres pour la suite de son aventure éditoriale, le Label 619 (fondé par RUN) inaugurait Lowreader, héritière directe de DoggyBags et en empruntant le format et le concept général : trois histoires courtes d’horreur, concoctées par une équipe créative différente piochée dans le vivier de talents du label. Comme l’avait fait sa prédécesseuse auparavant, la nouvelle collection entame avec Blood Moon les Lowreader présente…, des one shots dans la même veine mais disposant d’une pagination plus importante permettant des récits plus denses et plus complexes.

Pour ce premier opus, c’est Bones qui officie (scénario, dessin, couleurs) pour proposer une histoire s’installant tout d’abord avec des allures de science-fiction. Rapidement, toutefois, le gore et l’horreur s’invitent dans cette intrigue qui est plus proche du thriller. Dès les premières pages, l’ambiance est pesante, comme si le lecteur ressentait lui-même le manque d’air et se retrouvait également piégé dans ce monde où tous les espaces sont clos et les paysages gris. Pas nécessairement attachant (mais était-ce utile ?), le personnage principal est intéressant à suivre dans son enquête qui se transforme en quête… de vérité. Car le scénario, parfaitement ciselé et rythmé, est agrémenté d’une bonne louche de fantastique et de quelques gouttes d’ésotérisme voire de mysticisme ! Loin de se limiter à proposer un divertissement « pop-corn », l’auteur développe, autour de son héros stéréotypé, de véritables réflexions.

Finalement, l’ouvrage dégage le sentiment d’une réelle ambition et d’un fort degré d’exigence dans sa réalisation, ce que la partie graphique contribue à forger. Pouvant rappeler, çà et là, le trait de Mathieu Bablet (notamment pour quelques visages), les planches font surtout immédiatement penser au travail de Mike Mignola. Le découpage est parfaitement maîtrisé, la lisibilité toujours assurée – y compris lors de scènes d’action partant parfois dans tous les sens – et l’ensemble dispose de suffisamment d’espaces de respiration, notamment grâce à des pleines pages envoutantes. L’encrage puissant appuie, par ailleurs, le côté percutant du dessin qui s’impose, cases après cases, aux yeux du bédéphile.

Mené tambour battant, Blood Moon est un superbe « comics à la française » qu’il ne faut pas hésiter à découvrir.

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Moyenne des chroniqueurs
7.0