Oh, Lenny

J eune femme pleine de générosité et de sensibilité, June mène sa vie sous le signe de la bienveillance. Quand son mari décroche un super boulot, elle est ravie, même si ça signifie déménager dans un lotissement loin de la ville. Bouger, changer sa routine, c’est toujours bien, n’est-ce pas ? La maison est un peu tristounette, mais elle est grande et jolie, ça change de leur vieil appartement. Après une petite période d’ajustement, tout devrait rentrer dans l’ordre. Elle va faire la connaissance des voisins, planter un potager au fond du jardin… Ça va bien aller, c’est sûr.

Classique histoire d’aliénation et de déconstruction psychologique, Oh Lenny s’étale sur plus de trois cents pages. C’est beaucoup, sans doute un peu trop pour nourrir ce simple portrait. Si l’étude de cas quasi-clinique de June s’avère détaillée et suffisamment ouverte pour laisser la place à toutes les interprétations possibles sur le pourquoi de la dérive de l’héroïne, le reste du scénario manque véritablement d’originalité. La vie suburbaine (américaine), une dynamique de couple semblant dater des années cinquante, l’irruption d’un élément fantastique façon Charles Burns ou Daniel Clowes, etc., la lecture sent le déjà vu et lu. De plus, sans réel cadre spatial ou temporel, le récit se montre totalement désincarné. Résultat, même avec toute l’attention et la précision portée à la description de cette femme en quête de sens, il est impossible de vraiment se sentir concerné par les affres que cette dernière affronte.

Visuellement, la ligne claire exemplaire d’Aurélien Maury apporte un autre niveau de décalage. Le rendu direct et net s’oppose frontalement avec la déréliction mentale et physique de la protagoniste principale. Malheureusement, cette opposition entre chaos intérieur et pureté du trait semble plus fortuite que voulue et tombe à plat. Cela, dit le découpage et la mise en page sont au point et la narration coule naturellement.

Ambitieux roman graphique, réalisé avec soin, Oh Lenny peine à convaincre, en raison d'une thématique et d'un traitement manquant de caractère ou de surprise.

Moyenne des chroniqueurs
6.0