The world is dancing 1. Tome 1

F ils de Kan’ami, un acteur populaire, Oniyasha baigne dans le monde du spectacle depuis son plus jeune âge. Mais s’il partage régulièrement la scène, il se laisse souvent distraire par les questions qui l’assaillent au sujet de la danse et de son utilité. Son caractère rêveur lui fait commettre maintes maladresses lui valant les réprimandes paternelles et les commentaires peu amènes du reste de la troupe Kanze. Un jour, il découvre femme se balançant au rythme d’une chanson et la contemple, captivé. Désertant ses tâches, Oniyasha n’a de cesse de retrouver la danseuse pour capturer de nouveau cet instant de grâce. Cette rencontre et ses observations par la suite vont bouleverser le regard qu’il porte sur son art.

Nouvelle série proposée par Vega-Dupuis en ce début d’année, The world is dancing invite à découvrir les origines du nô, à travers le parcours d’une des figures qui en a institué les codes : le dramaturge Zeami (1363-1443). Dans le premier volume, l’homme n’est encore qu’un adolescent que Kazuho Mihara met en scène dans son quotidien de rejeton d’une famille d’artistes spécialisée dans le saguraku – forme de théâtre populaire au Japon entre le XIème et le XIVème siècle.

Dès les premières pages, le mangaka donne le ton en immergeant le lecteur dans les pensées et interrogations de son héros, alors que ce dernier se trouve en pleine représentation. Par la suite, action et réflexions ne cessent de s’entremêler au gré des événements et des échanges. Le corps et sa capacité à se mouvoir dans une chorégraphie fixée ou de manière spontanée voire erratique se situent au cœur de la recherche du personnage principal et constituent le point d’ancrage d’une grande partie du récit. Toutefois, le discours ne se cantonne pas à une théorisation de l’expression corporelle, bien au contraire. En effet, l’intrigue s’attache à dépeindre la réalité quotidienne des artistes ainsi que les exigences de l’apprentissage. Elle montre également le désir d’Oniyasha d’obtenir l’approbation de son père et met en relief les émotions qui le traversent. Dans le dernier tiers de l’album, la rencontre du jeune homme avec l’espiègle Satsuki lui permet de découvrir un autre environnement, tout aussi difficile que le sien et de faire évoluer sa vision des choses.

Cette histoire rythmée sans forcer et non dénuée d’une touche d’humour est portée par une mise en image aussi agréable qu’efficace. Si, parfois, certaines mimiques paraissent un peu exagérées, elles visent surtout à souligner combien le héros est fasciné par ce qu’il voit. À cet égard, le point de basculement de ses certitudes est bien rendu. Pour restituer la danse, l’auteur se focalise sur des gestes, des attitudes, décortiquant l’un ou l’autre mouvement précis. Même la transe d'un groupe d'homme se présente comme un tableau pris sur le vif. La fluidité ne manque cependant pas et l’ensemble s’avère d’une grande lisibilité, grâce à des cases aérées et dynamiques. Enfin, l'aspect féminisé d'Oniyasha pourra dérouter de prime abord, mais reste logique. En effet, à l'époque, le sarugaku, puis le , était essentiellement joué par des hommes, lesquels interprétaient indifféremment les rôles masculins et féminins. En début d'album, le protagoniste incarne une demoiselle.

Ce tome introductif de The world is dancing apparaît prometteur. Rendez-vous est pris avec la suite de ce seinen (prévu en six volumes) mêlant art, tranche de vie et histoire pour voir comment il évoluera.

Moyenne des chroniqueurs
6.0